Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/301

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

inévitable, on se disposerait à soutenir la lutte avec vigueur. On se ménagea des communications le long du boulevard, et un citoyen dont le nom rappelait de grands souvenirs révolutionnaires, se chargea, quoique désapprouvant l’insurrection, de rassembler, au-delà du pont d’Austerlitz, un certain nombre d’ouvriers intrépides, avec lesquels il pouvait, en cas de trouble, soulever le faubourg Saint-Marceau.

Le 5, de bonne heure, tout Paris fut en mouvement. Ceux qui devaient composer le cortège s’étaient hâtés vers les lieux de rendez-vous d’avance indiqués, et, dès neuf heures du matin, une foule impatiente se précipitait vers la maison mortuaire. On voyait rouler pèle-mèle le long de la rue Saint-Honoré gardes en uniforme, ouvriers, artilleurs, étudiants, anciens soldats ; sur la place Louis XV les élèves en droit et en médecine, mêlés aux membres de la Société des Amis du Peuple, se formaient en pelotons et se choisissaient des chefs ; cent bannières de forme et de couleur diverses flottaient dans les airs ; ceux-ci portaient des flammes tricolores, ceux-là des rameaux de verdure, quelques-uns montraient leurs armes avec menace. Mais un même sentiment perçait à travers cette infinie variété d’attitudes et de mouvements. Chose étrange ! de toutes parts on se rendait à des funérailles, et c’étaient des pensées de guerre qui éclataient dans tous ces regards inquiets, sur tous ces visages pâles d’émotion. Les rumeurs les plus alarmantes circulaient ; on se parlait à voix basse dans certains groupes, tandis que du milieu des groupes voisins sortaient des cla-