Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/305

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sur les arbres et jusque sur les toits, ces drapeaux italiens, polonais, allemands, espagnols, qui rappelaient tant de tyrannies victorieuses et tant d’affronts impunis, ces préparatifs de combat trop manifestes, les précautions même d’un pouvoir réduit à avoir peur du passage d’un mort, les hymnes révolutionnaires montant dans les airs au milieu des cris menaçants, des sons lugubres du tamtam et du roulement des tambours voilés, tout cela disposait les esprits à une exaltation pleine de périls, tout cela ne laissait aux passions qu’une sanglante issue. Déjà, témoins du morne enthousiasme qui se communiquait de proche en proche dans cette masse confuse et pressée, plusieurs jugeaient la partie perdue pour le gouvernement de Louis-Philippe. Dans un peloton d’étudiants, une voix ayant crié : « Mais enfin, où nous mène-t-on ? – A la république, répondit un décoré de juillet qui conduisait le peloton,. et tenez pour certain que nous souperons ce soir aux Tuileries. » La révolution de juillet elle-même, à son origine, n’avait présenté rien d’aussi imposant et d’aussi terrible. L’idée d’un combat était tellement présente à tous les esprits, qu’on arrachait en passant, pour s’en faire une arme au besoin, les pieux et les branches d’arbres. Le gouvernement flottait donc au hasard, en dépit des mesures prises, car la fidélité des troupes était chancelante, et l’on n’ignorait pas que l’épée de beaucoup d’officiers appartenait à la cause de la République ou à celle de l’Empire. Il est certain que, lorsque le cortège atteignit la place de la Bastille, un officier du 12e léger s’avança vers le chef du premier pelo-