Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/307

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

accrut. Des hommes, vêtus élégamment, couraient ça et là dans la foule et cherchaient à l’exciter par de fausses nouvelles, disant qu’on se battait à l’hôtel-de-ville, ou qu’un général venait de se déclarer contre Louis-Philippe, ou que les troupes, enfin soulevées, allaient marcher sur les Tuileries ; les artilleurs de la garde nationale se concertaient ; des cris de Vive la République ! se faisaient entendre… Tout-à-coup un inconnu arrive monté sur un cheval qu’il fait mouvoir avec peine au milieu de la cohue immense. La figure de cet homme est sinistre, il est vêtu de noir, et tient à la main un drapeau rouge surmonté d’un bonnet phrygien. C’était le souvenir de 93 qu’on faisait revivre aux yeux de la bourgeoisie. L’indignation fut grande, surtout chez les républicains, dont cette apparition effrayante tendait à calomnier les doctrines. Un même cri de réprobation partit de toutes les bouches, et pourtant, quelques-uns applaudirent, soit par l’effet d’un fanatisme imbécile, soit avec l’intention perfide de rendre odieuse la cause de la république. Le général Excelmans était dans le cortège. « Pas de drapeau rouge, s’écria-t-il avec force ; nous ne voulons que le drapeau tricolore : c’est celui de la gloire et de la liberté ! » Alors deux hommes suspects s’élancèrent vers lui, criant qu’il fallait le précipiter dans le canal. Il quitta la mêlée, rencontra le comte de Flahault, et se rendit avec lui en toute hâte aux Tuileries. Craignant, comme le général Excelmans, que le parti qui poussait au mouvement ne fut celui d’un jacobinisme sanguinaire, beaucoup de citoyens ne songèrent plus qu’à s’armer contre l’insurrection.