Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/31

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servir à la dominer étaient mal réglées, mal définies. La chambre des députés n’avait, aux yeux de la nation, ni le prestige d’une autorité glorieusement usurpée, ni le poids d’une autorité incontestablement légitime. La chambre des pairs était décriée, impuissante, et il n’était plus question partout que de lui enlever le seul mode d’existence qui pût la rendre possible, l’hérédité. La royauté enfin, solitaire et inquiète au sommet d’une société mouvante, manquait de splendeur aussi bien que d’entourage et de point d’appui.

Ce fut l’erreur de Louis XI, et, plus encore, celle de Louis XIV, de croire que la royauté se peut maintenir lorsqu’elle n’a point pour base une aristocratie puissante. À une royauté qui ne fait point partie d’un corps aristocratique, il faut ou un glaive pour frapper toujours, ou de l’or pour corrompre sans cesse : oppressive si elle est absolue, corruptrice si elle est tempérée. Mais en de tels moyens de gouvernement il n’y a aucune chance de durée, parce que celui qui les emploie dégrade son autorité en la défendant, et ne peut l’agrandir sans l’épuiser.

Le régime constitutionnel que des sophistes ignorants avaient fait prévaloir en France renfermait donc un problème insoluble. Car vouloir une royauté vivante à côté d’une aristocratie morte, c’était vouloir que la tête vécût séparée du corps, c’est-à-dire l’impossible. Voila, pourtant, ce que la bourgeoisie demandait. Et son illusion était si complète, qu’elle prenait ombrage même d’une pairie héréditaire, et qu’après avoir anéanti la féodalité, elle en poursuivait jusqu’au fantôme.