Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/331

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lever, n’avait attendu qu’un signal, et qu’ils s’étaient rendus bien coupables envers leur pays, ces députés si prompts à désavouer les efforts du peuple, si ardents à lui envier de plus hautes destinées, dignes assurément de la grandeur de son courage.

De fait, l’insurrection n’était pas étouffée. Il est vrai qu’un détachement de lanciers avait dégagé la porte Saint-Martin ; que trois colonnes, sous la direction du général Schramm, avaient emporté l’entrée du faubourg Saint-Antoine, et que le boulevard était libre depuis la Madeleine jusqu’à la Bastille. Mais le tocsin sonnait à l’église Saint-Méry, les combattants du cloître tenaient encore, et malheur aux bataillons qui, s’engouffrant dans la rue Saint-Martin, osaient attaquer de trop près ces hommes indomptables. Car jamais place d’armes ne fut mieux défendue. Lorsque, vigoureusement repoussées, les troupes se repliaient en désordre, les républicains franchissaient la ligne des barricades, couraient dépouiller les morts de leurs gibernes, et renouvelaient ainsi leurs munitions épuisées. Placée aux fenêtres d’un café voisin, une jeune fille[1] dont l’amant était dans les barricades, avertissait, par des signes intelligents, de l’arrivée des soldats ou bien, elle entourait les blessés de soins pieux, et venait offrir du bouillon aux combattants qu’allaient trahir leurs forces défaillantes. Les blessés ne trouvèrent pas une ressource moins précieuse dans l’active charité d’une autre femme, épouse de l’armurier dont les combattants avaient envahi le

  1. Elle a figuré depuis au procès des vingt-deux et a été acquittée.