Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/332

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magasin. Il était impossible, pourtant, qu’une pareille lutte se prolongeât, parce que chaque nouvelle attaque laissait dans les rangs des insurgés des vides qui ne se remplissaient point. Jusque-là ils avaient cru que leur audace, à force de bonheur, deviendrait contagieuse ; que, de tous les points de Paris, l’insurrection répondrait au redoutable appel de leurs décharges, et que, s’ils devaient succomber, leurs corps, du moins, n’appartiendraient qu’à la république. Un moment, leur confiance fut entière : deux inconnus leur amenèrent un petit baril de poudre ; et on vint leur annoncer que des amis étaient en marche pour les secourir. Mais cet espoir ne tarda pas à leur manquer. Vainement ils prêtent l’oreille, c’est à peine si le vent leur apporte les rumeurs ordinaires de la cité ; leurs voix s’éteignent sans écho : Paris autour d’eux fait silence. Un soldat du 62e, nommé Vigouroux, dirigeait les combattants postés aux fenêtres. « Nous sommes perdus, dit-il à ses compagnons, du ton d’un homme qui a fait le sacrifice de sa vie ; s’il en est, parmi vous, qui aient autre chose à faire ici qu’à y mourir, il en est temps ; qu’ils se retirent. » Chacun demeura ferme à son poste. Pour la plupart, race insouciante et belliqueuse, il y avait dans un tel combat une sorte d’étourdissement généreux dont ils ne voulaient point perdre l’émotion ; et quant à ceux qui obéissaient à des convictions réfléchies, ils pensaient que, si la république était condamnée à périr, il importait que, de sa défaite, il restât dans l’esprit de tous d’ineffaçables impressions et un souvenir immortel.