Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/361

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Cependant lorsque le président, M. Naudin, lui demanda : « ne vous qualifiez-vous pas Père de l’humanité ? Ne professez-vous pas que vous êtes la Loi vivante ? », il répondit avec beaucoup de sang-froid et d’assurance : « Oui, Monsieur. » Il se passa alors une scène tout-à-fait nouvelle dans les fastes judiciaires. Le premier témoin appelé, M. Moïse Retouret, ayant été sommé de prêter serment, il se tourna du côté d’Enfantin et dit : « Père, puis-je prêter serment ? » Enfantin répondit que non, et le président ordonna au témoin de se retirer. Tous les témoins appartenant à la famille comparurent, tous reçurent sommation de prêter serment, tous déclarèrent qu’ils ne le pouvaient sans l’autorisation du Père suprême.

L’avocat général, M. Delapalme, commença son réquisitoire. Après un rapide exposé de l’origine et des progrès du saint-simonisme, il essaya de flétrir, dans les pratiques saint-simoniennes, une sorte de fétichisme où le mensonge se mêlait. à la niaiserie. Il montra le Père Enfantin comme un homme en qui l’amour de la célébrité était devenu de l’extravagance. Il reprocha aigrement à l’association saint-simonienne l’appel qu’elle avait adressé aux capitalistes et sa fastueuse mendicité. Il affirma qu’une pareille association n’avait rien de commun avec une société religieuse, parce qu’elle n’avait ni dogme, ni culte, ni cérémonies, et qu’elle se gardait bien de reléguer son action hors du monde matériel, ce qui est le caractère distinctif de toute religion. De là cette conséquence que les saint-simoniens n’avaient nullement à invoquer le