Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/368

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régénérer, et c’était le droit du plus riche ! Car, dans cette société il était amplement pourvu aux plaisirs des honnêtes gens, et il y avait, à côté de l’armée des fils du peuple chair à canon jetée à l’agression étrangère, l’armée des filles du peuple, malheureuses que la pauvreté condamnait au plaisir comme à une corvée infâme, chair banale et vénale livrée d’avance à l’assouvissement de tous les appétits matériels. Ainsi, le vice avec l’hypocrisie, ou le vice avec l’impudeur et la faim ; au défaut de la corruption poétisée, la corruption patentée ; en haut l’adultère en bas la prostitution.

Tel fut, au fond et en raccourci, le système de défense présenté par les prévenus, dans l’audience du 27 août. Ils venaient de soulever des questions d’une portée incalculable. Mais la société qu’ils attaquaient voulait être obéie et non discutée. Pendant qu’ils parlaient, il arriva plus d’une fois aux juges de donner des marques d’impatience, et un sourire railleur ne cessa d’errer sur les lèvres de l’avocat-général, heureux de pouvoir échapper par l’affectation du dédain au trouble et à l’embarras de son impuissance.

Le lendemain, 28 août, Enfantin prit la parole à son tour. 11 s’exprimait avec gravité, avec lenteur, et s’arrêtait de temps en temps pour fixer ses regards, tantôt sur le président et les deux conseillers, tantôt sur l’avocat-général, tantôt sur l’auditoire. La cour ne tarda pas s’en montrer fort irritée, et comme le président demandait à l’accusé s’il avait besoin de se recueillir : « J’ai besoin, répondit-il, de voir qui m’entoure et d’être vu. Je sais tout ce