Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/369

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que donne de puissance le recueillement et la solitude ; mais je sais aussi que le recueillement n’est pas la seule manière de s’inspirer, et d’ailleurs je désire apprendre à M. l’avocat-général l’influence de la chair, de la forme, des sens, et pour cela lui faire sentir celle du regard. » Puis, sans s’arrêter à l’impression produite par ces paroles, où à une pensée sérieuse se mêlait une sorte de bouffonnerie tout-à-fait imprévue, Enfantin continua : « On trouve mauvaise, immorale, et pleine de fatuité, cette pensée que j’ai émise, savoir : que le Prêtre devait être beau : telle est, en effet, notre foi. Le Prêtre doit être beau, sage et bon bonté, sagesse et beauté résument très-nettement notre dogme. Eh bien, l’église chrétienne elle-même qui réprouvait la chair, qui regardait la beauté comme l’arme privilégiée de Satan, n’aurait toutefois jamais ordonné prêtre un homme difforme ou mutilé. Et, à notre époque, lorsque dans l’armée il s’agit de former un corps qui représente dignement, noblement, qui puisse inspirer par la seule vue le respect, l’admiration ou la crainte ; certes quelque indifférent qu’on prétende être pour la beauté, on est loin de la négliger. Ne dit-on pas que, pour être dans les carabiniers, il faut être bel homme : pourquoi ne saurait-on le dire des prêtres sans blesser les oreilles de M. l’avocat-général ? Il est vrai, la mission du soldat n’est pas la même que celle de notre sacerdoce : l’un donne la mort, l’autre la vie. Mais je ne vois pas que ce soit un argument contre ce que j’avance. » La compa-