Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/378

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans lequel M. Thiers entrait à côté du duc de Broglie et de M. Guizot, était sans contredit le plus fort qu’on pût créer pour la circonstance. Mais cela même était pour le roi un sujet d’affliction. Convaincu avec raison que, dans un pays tel que la France, où l’esprit d’examen avait fait de si rapides conquêtes, où les grandes positions n’étaient plus entourées de leur ancien prestige, où l’on n’obéissait volontiers qu’à une autorité active et vigoureuse, une royauté fainéante tomberait tôt ou tard dans le mépris et finirait par n’être plus considérée que comme une superfluité coûteuse, le roi voulait tout à la fois régner et gouverner. Or, il sentait bien qu’une alliance intime entre des ministres aussi importants que MM. de Broglie, Guizot et Thiers, le condamnerait à un rôle passif Les empêcher de faire faisceau était dans les nécessités de sa position et les divisions qui, dans la suite, armèrent l’un contre l’autre M. Thiers et M. Guizot, furent l’ouvrage de la Cour. Avec une remarquable habileté, elle s’étudia, dès l’abord, à verser dans l’âme de deux hommes, dupes tous deux de leurs passions, le venin d’une ambition jalouse. M. Thiers s’était élevé d’une condition fort obscure, et jusque dans ses grandeurs nouvelles il était poursuivi par la fatalité de certaines circonstances de famille qui, sans atteindre sa considération personnelle, pouvaient néanmoins jeter plus d’un obstacle dans sa carrière. M. de Talleyrand pensa qu’il n’en serait que plus propre à remplir en sous-ordre les fonctions de premier ministre. On résolut donc de mettre à profit contre M. Thiers les difficultés de