Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/379

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sa position et les torts du hasard. On lui fit entendre qu’il lui était permis d’aspirer à tout et qu’il était digne par son talent d’occuper dans l’État la première place au-dessous du trône ; mais qu’il avait besoin pour cela du plus haut de tous les patronages, et qu’il serait perdu le jour où la main du roi cesserait de le soutenir.

Ce qu’il fallait à la Cour, c’était un président du conseil qui consentît à s’effacer de la manière la plus complète, et qui fût doué néanmoins d’une capacité assez grande, d’un talent oratoire assez distingué, pour exercer dans le parlement une influence durable. Il était arrivé souvent à Louis-Philippe d’exprimer son regret de ne pouvoir prendre part aux délibérations de la Chambre, desquelles sa dignité de roi l’excluait et dont il semblait croire que sa parole, en plus d’une occasion, aurait modifié le résultat. La Cour aurait donc voulu qu’avec le titre de président du conseil, M. Thiers ne fût en réalité que l’orateur de la couronne. De sourdes manœuvres furent pratiquées en vue de ce dénouement, et comme M. Guizot se trouvait naturellement sur le chemin de la présidence, on n’eut pas de peine à semer dans le conseil les germes de cette mésintelligence qui devait éclater plus tard et rendre le gouvernement parlementaire tout-à-fait impossible.

Nul, du reste, n’était plus propre que M. Thiers à conduire la bourgeoisie. Son esprit délié, sa figure fine mais bienveillante, le sans-façon de ses manières, son caquetage, la grâce nonchalante avec laquelle il faisait, au besoin, bon marché de son im-