Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/381

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reconnaissait d’autre divinité que la force, et il l’adorait dans ses manifestations les plus opposées, pourvu, toutefois, qu’elle ne se présentât point sous les traits du rigorisme. Il l’aimait indifféremment comme moyen de tyrannie et comme instrument de révolte ; il l’avait admirée dans Bonaparte, il l’avait admirée dans l’impétueux Danton, il l’eût admirée jusque dans Robespierre, si dans Robespierre il ne l’eût trouvée unie à l’austérité. Du reste, pas de tenue dans la conduite, peu de profondeur dans les sentiments, plus d’inquiétude que d’activité, plus de turbulence que d’audace, de la suffisance quelquefois, et de l’élévation dans l’esprit s’il en avait eu davantage dans le cœur. Sous beaucoup de rapports, M. Thiers était un Danton en miniature. Il avait, néanmoins, beaucoup plus de probité qu’on ne lui en supposait, et ses ennemis lui adressaient à cet égard des accusations injustes. Mais, homme d’imagination, aimant les arts avec une passion enfantine, dévoré de besoins frivoles, capable d’oublier les affaires d’état pour la découverte d’un bas-relief de Jean Goujon, fougueux dans ses fantaisies, pressé de jouir, il donnait aisément prise à la calomnie. Quoiqu’il n’eût pas de fiel, comme particulier, il répugnait bien moins que M. Guizot, comme ministre, aux mesures violentes. Il est vrai qu’il n’avait pas, ainsi que M. Guizot, un despotisme de parade : il eût volontiers fait peur à ses ennemis, sans éprouver le désir de s’en vanter, l’essentiel étant pour lui de mettre en œuvre le système d’intimidation que M. Guizot mettait en formules. Car l’un brûlait d’agir, l’autre de paraître. Quelquefois, après