Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/380

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portance, tout cela rendait sa supériorité légère et en assurait d’autant mieux l’empire ; tout cela le servait auprès d’une classe qui veut des chefs d’un abord facile et d’un mérite complaisant. Il s’était élevé de fort bas, et c’était un titre à la faveur des parvenus, qui saluaient en lui la légitimité de leur propre fortune. Et puis, quelle fécondité d’expédients quelle vivacité d’intelligence ! quelle aptitude à tout comprendre, à tout expliquer ! M. Thiers était journaliste, homme de lettres, financier : il se fût fait, le cas échéant, général d’armée. Et même, en dépit de la direction de ses études, il enviait par-dessus tout le rôle de l’homme de guerre. Dans son histoire de la Révolution française, il avait affecté de grandes connaissances stratégiques, et il n’eût aimé rien tant que de monter à cheval, de passer des troupes en revue, de se mettre auprès du soldat en quête de popularité. Éloquent, il ne l’était pas ; et sa petite taille lui donnait, à la tribune, un désavantage marqué. Mais il exposait les affaires avec tant de lucidité ; il parlait avec tant d’abandon de son amour pour son pays ; sa pantomime était si expressive ; sa voix aigre et impuissante empruntait de la fatigue quelque chose de si touchant, qu’il arrivait au succès par ses défauts même : l’absence de noblesse, la diffusion, l’excès de négligence, la trivialité. Dans une assemblée, personne ne savait mieux que lui se faire médiocre. Ses idées étaient manifestement tournées vers l’Empire. Il voulait le pouvoir actif et respecté ; il le méprisait scrupuleux. Les principes, il les dédaignait avec étourderie, quelquefois avec impertinence ; car, en politique, il ne