Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/404

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timent de leur impuissance les précipita dans l’excès de l’audace, et ils concentrèrent sur une seule tête toute la haine dont ils étaient animés.

Croire possible le succès d’un assassinat, même consommé, et accorder cet honneur à un homme qu’on fasse tenir dans sa vie le salut d’un peuple, il n’est point assurément d’erreur plus profonde, il n’en est point de plus funeste. Les destins d’une nation ne dépendent pas de si peu ! Quand le mal existe, c’est qu’il est dans les choses : là seulement il le faudrait poursuivre. Si un homme le représente, en faisant disparaître cet homme, on ne détruit pas la personnification, on la renouvelle. César assassiné renaquit plus terrible dans Octave. Mais comment de semblables idées auraient-elles été universellement admises dans un pays où l’on apprenait aux enfants à honorer le courage d’Armodius et d’Aristogiton, où la mémoire de Brutus était l’objet d’un culte classique, où l’attentat de nivôse, essayé par les grands et dans leur intérêt, n’avait été blâmé que faute d’avoir réussi, où chacun était admis à traduire devant sa raison la société tout entière, et où cette doctrine de l’individualisme avait fait des progrès si rapides, qu’elle se produisait partout : dans la morale, par l’athéisme de la loi et la confusion des cultes ; dans la politique, par le fractionnement extraordinaire des partis ; dans l’éducation, par l’anarchie de l’enseignement ; dans l’industrie, par la concurrence ; dans le pouvoir, par les encouragements prodigués depuis plus d’un demi-siècle à l’insurrection ? Le libéralisme avait professé pendant quinze ans cette fausse et perni-