Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/64

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là quelque temps sans pousser un cri, sans proférer une menace ; leurs mains n’étaient armées ni de fusils, ni d’épées, ni même de bâtons ; seulement, un drapeau tricolore flottait au-dessus de leurs têtes, et leurs chefs portaient une petite baguette pour se faire reconnaître et maintenir la discipline.

Quelque pacifique que fût cette démonstration, M. Bouvier-Dumolard craignit qu’elle n’ouvrît carrière aux calomnies ; il descendit en costume au milieu des ouvriers, leur représenta qu’il ne fallait pas que le tarif eût l’air d’avoir été conquis par la violence, et finit en déclarant que la séance ne serait ouverte que lorsqu’ils se seraient retirés. Des cris de Vive le Préfet retentirent, et ce peuple de pauvres regagna son quartier à pas lents, en bon ordre, à travers l’autre peuple muet d’étonnement.

Entre les délégués de lune et de l’autre partie, la discussion s’engagea sur les abus criants qui s’étaient introduits dans la fabrique, mais particulièrement sur la rédaction du tarif, et telle fut la modération des ouvriers, que les lancés, que douze jours auparavant, on consentait à payer huit sous, furent réduits d’un huitième au profit des fabricants. Le tarif fut signé de part et d’autre, on chargea le conseil des prud’hommes d’en surveiller l’exécution, et un jour par semaine fut fixé pour entendre les plaintes auxquelles la mauvaise foi pourrait donner lieu.

À cette grande nouvelle, la ville de Lyon fut profondément émue. Les ouvriers tressaillirent de joie ;