Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/75

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d’une foule dans laquelle on murmurait les mots de trahison, couverts, du reste, par des cris de Vive le préfet ! Vivre le père des ouvriers !

M. Bouvier-Dumolard trouva dans la salle de l’Hôtel-de-Ville le lieutenant-général Roguet auquel il tendit la main. Réconciliation franche, mais tardive et stérile ! Le plateau avait été abandonné par les artilleurs et les dragons ; on n’entendait plus que quelques coups de fusil tirés par intervalles ; mais le général Ordomneau, qui ne devait recouvrer sa liberté que dans la nuit, était encore au pouvoir des insurgés, et les tisseurs veillaient en armes, à la Croix-Rousse, autour des feux qu’ils y avaient allumés, pleurant leurs frères morts et songeant aux vengeances du lendemain.

Arrêtons-nous un instant pour noter une des plus déplorables singularités de cette journée fatale. On a vu quelles causes avaient poussé les ouvriers à l’insurrection : aucune passion politique n’avait armé leurs bras, et ils comprenaient peu à cette époque que leur sort put dépendre d’une modification radicale dans les formes du gouvernement. Les hommes politiques, de leur côté, n’étaient préoccupés que du désir de renverser le pouvoir, et ne songeaient guère à donner à l’ordre social des bases nouvelles. Il n’y avait donc aucun lien réel entre la classe ouvrière et la partie la plus vive, la plus généreuse de la bourgeoisie. A Lyon, somme sur tous les points de la France, il y avait alors beaucoup de républicains, mais peu de vrais démocrates. Il arriva donc que plusieurs républicains s’armèrent contre les ouvriers. Par une erreur excu-