Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 3.djvu/98

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les ministres cessèrent de comprendre la portée du soulèvement des tisseurs, le jour où l’on cessa d’en entendre le bruit. Mais, au-dessous de ce pouvoir si obstinément retranché dans son imprévoyance et son égoïsme, des hommes pleins d’intelligence et de hardiesse étudiaient les problèmes qu’il laissait sans solution, s’emparaient du rôle qu’il dédaignait dans son impuissance, et cherchaient à gouverner par la pensée une nation qu’il ne savait, lui, gouverner que par des soldats.

Or, jamais société n’avait été plus remplie de désordres que celle qu’abandonnaient ainsi au hasard les hommes chargés officiellement de la conduire.

Lutte des producteurs entre eux pour la conquête du marché, des travailleurs entre eux pour la conquête de l’emploi, du fabricant contre l’ouvrier pour la fixation du salaire ; lutte du pauvre contre la machine destinée à le faire mourir de faim en le remplaçant, tel était, sous le nom de concurrence, le fait caractéristique de la situation, envisagée au point de vue industriel. Aussi, que de désastres Les gros capitaux donnant la victoire dans les guerres industrielles, comme les gros bataillons dans les autres guerres, et le laissez-faire aboutissant de la sorte aux plus odieux monopoles ; les grandes exploitations ruinant les petites, le commerce en grand ruinant le petit commerce ; l’usure s’emparant peu à peu du sol, féodalité moderne pire que l’ancienne, et la propriété foncière grevée de plus d’un milliard ; les artisans, qui s’appartiennent, faisant place aux ouvriers, qui ne s’appar-