la plume des ouvriers. Beaucoup d’entre eux parurent dans cette arène intellectuelle, et il se trouva que des tailleurs, des cordonniers, des ébénistes, cachaient des hommes d’État, des philosophes, des poètes. Il devenait ainsi manifeste que le régime inauguré en 1789 n’avait pas enfanté la liberté véritable, puisque tant de facultés précieuses étaient restées sans emploi, puisque tant d’aptitudes avaient été déplacées et les fonctions sociales distribuées au gré du hasard, puisque des hommes d’élite s’étaient vus plongés vivants dans le tombeau des ateliers modernes, puisqu’enfin la société, victime d’un système d’exclusion et d’étouffement, avait été condamnée à perdre des trésors d’intelligence et de poésie enfouis à jamais dans le sein du peuple Telle était la démonstration glorieuse qu’avait entreprise le Bon Sens, sous la direction de MM. Cauchois-Lemaire et Rodde.
Un patriotisme réfléchi et plein de réserve, beaucoup de fermeté dans la modération et d’urbanité dans les attaques, un esprit fin et délicat, un style sculpté avec soin, un talent composé de bon goût, d’ironie subtile et d’atticisme, voilà par quelles qualités se faisait remarquer M. Cauchois-Lemaire.
M. Rodde, au contraire, était un homme d’une impétuosité sans égale, et n’ayant jamais su l’art des ménagements. Il ne connaissait pas la peur et la comprenait à peine. Son style était brutal, quoique ennobli souvent par la passion sa sensibilité, violente et sauvage, éclatait tour-à-tour en élans de tendresse, de générosité, et en invincibles transports de colère. Du reste, par une sorte de contradiction