bizarre, il était aussi modéré dans ses opinions que fougueux dans ses sentiments. Ennemi de toutes les idées trop hardies et de tous les partis extrêmes, il s’était toujours tenu un peu à l’écart des républicains, bien qu’il combattît leurs adversaires avec une énergie indomptable ; timide par l’esprit, audacieux par le cœur.
A un homme de cette trempe, l’affaire des crieurs publics offrait une occasion admirable de se montrer tout entier. Apprenant que, malgré les décisions de la justice et en violation des lois, la police faisait arrêter les distributeurs, M. Rodde écrivit à tous les journaux, le 8 octobre 1833, que, le dimanche suivant, à deux heures après midi, il irait sur la place de la Bourse distribuer les brochures dont on avait arbitrairement saisi plusieurs exemplaires. Sa résolution était prise, et il la faisait connaître à tous ; il allait défendre son droit jusqu’à la mort.
A cette nouvelle, plusieurs amis de M. Rodde courent chez lui pour le détourner de son dessein. On lui représente qu’après avoir bravé avec tant d’insolence l’autorité de la magistrature, la police osera tout ; que la résistance annoncée ne peut avoir qu’une issue sanglante ; qu’il sera inévitablement meurtrier, puis victime, et qu’il va mettre Paris en feu. C’était l’avis de la plupart, l’avis d’Armand Carrel lui-même.
Cependant, au jour indiqué, une foule immense stationnait, dès midi, sur la place de la Bourse. Quelques élèves de l’École polytechnique et un grand nombre de gardes nationaux en costume