Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/130

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Le manifeste ne se prononçait qu’avec réserve sur la liberté de la presse et la liberté individuelle ; et l’on y insistait beaucoup, au contraire, sur la nécessite d’organiser vigoureusement le pouvoir. Une fraction notable du parti républicain en prit ombrage. La Tribune appuya le manifeste sans l’adopter entièrement ; et il fut critiqué, comme n’ayant pas assez tenu compte du principe de liberté par trois hommes d’un patriotisme éprouvé et d’un talent incontestable : Armand Carrel, rédacteur du National ;, M. Anselme Pététin, rédacteur du Précurseur de Lyon ; et M. Martin Maillefer, rédacteur du Peuple souverain de Marseille. De quel côté se trouvait la vérité ?

Qu’on suppose deux hommes prêts à se mettre en route : l’un, bien portant, alerte, vigoureux ; l’autre, malade et blessé. Avant la révolution de 1789, le pouvoir, au lieu de tendre la main au second, ne songeait qu’à faire marcher le premier plus à l’aise encore et plus vite. En 1789, ce fut autre chose : le pouvoir fut enchaîné, et l’on dit aux deux hommes : « La route est libre ; vos droits sont égaux marchez. » Et cependant le faible pouvait répondre : « Mais qu’importe que la route soit déblayée ? Ne voyez-vous pas que je suis malade ; que le sang coule de mes blessures ; que le poids de mon propre corps m’épuise et que mes pieds nus se meurtrissent sur les cailloux du chemin ? Qu’aucune protection spéciale ne soit accordée à mon voisin, il peut s’en passer, car il est ingambe et fort ; mais moi ? … Que me parlez-vous de droits égaux ? C’est une raillerie cruelle ! »