Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/146

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paraître grande la vie d’un seul homme. Méhémet-Ali n’était beaucoup en Égypte que parce qu’il y était tout. Derrière lui, par conséquent, que pouvait-il y avoir ? rien.

A supposer que la civilisation, telle que Méhémet-Ali l’avait entendue et pratiquée, méritât les encouragements de la France, comment l’empire ottoman aurait-il pu revivre par l’intervention d’un pareil bornée ? Se révolter contre le sultan, envahir la Syrie par Ibrahim, la soumettre, courir sur Constantinople l’épée à la main, il le pouvait assurément, et la suite le prouva. Mais, arrivé au seuil du sérail, aurait-il osé le franchir pour aller s’asseoir sur le trône de son maître abattu ? Il lui eût été impossible d’en concevoir la pensée. L’eût-il osé, son entreprise serait-elle restée impunie ? Un soldat macédonien aurait-il pu ceindre le sabre d’Osman, dans un pays où le respect du sang d’Osman est la religion même ? S’il se fût présenté comme le vengeur des vrais croyants, comme le préservateur armé de la religion musulmane, outragée par les réformes de Mahmaud, détrôner le sultan eut été permis peut-être à son audace ; mais le remplacer ?… Ceux qui connaissent l’Orient ont toujours jugé cette hypothèse inadmissible. Et, même en l’admettant, qu’aurait donc apporté à l’empire ottoman l’usurpation de Méhémet-Ali ? Turc jusqu’au fond de l’âme, il savait mieux que personne combien peu valait ce prétendu élément arabe dont on a tant parlé depuis. Cette race arabe, qu’il méprisait, qu’il avait trouvée abrutie par la mollesse et la misère, qu’il avait abrutie encore davantage par la mi-