Ce qui est certain, c’est que la Cour n’avait pas compté vainement sur la susceptibilité de M. de Broglie. Au sortir même de la séance où il venait d’être vaincu, il alla sur-le-champ offrir au roi sa démission.
Le roi comprenait peu les scrupules parlementaires et il s’en moquait volontiers. Apporter de l’amour-propre dans les affaires lui paraissait au plus haut point dangereux et niais. Suivant lui, en faisant de toutes les questions importantes des questions de Cabinet, on élevait la puissance du parlement sur les ruines de la prérogative royale. Cette manière de voir, M. de Broglie était loin de la partager, mais il ne l’ignorait pas. Il devait donc naturellement s’attendre à voir le roi hésiter devant l’offre d’une aussi brusque démission. Ce fut le contraire qui advint. M. de Broglie sortit du ministère dès qu’il en manifesta l’intention. Les efforts que le roi tenta pour le retenir se réduisirent à ces banales objections dont la politesse fait une loi. M. de Broglie ne pouvait s’y tromper, Louis-Philippe ayant un jeu de physionomie dont les ministres s’étaient accoutumés à surprendre le secret.
Que la retraite du duc de Broglie, en cette occasion, ait été, au château, le sujet d’une joie très-vive, rien de moins douteux. D’abord, nous l’avons dit, le roi n’aimait pas la personne de M. de Broglie. Il lui trouvait de la raideur, de la persistance dans les idées, une dignité incommode, une âme trop en garde contre l’influence des petites séductions ; il supportait impatiemment un ministre avec lequel il osait à peine être familier, et qui était homme,