seulement avec égard, mais avec générosité, et partagèrent le pain du soldat. Un insurgé venait de tirer à bout portant sur un officier ; il le manque, se découvre la poitrine et dit : « A ton tour ! » Alors, par une admirable inspiration de générosité, « Je n’ai pas coutume de tirer de si près sur un homme sans défense, répond l’officier. Va-t-en.[1] » L’histoire des guerres civiles est pleine de pareils contrastes.
Pendant ce temps, la dévastation de Lyon suivait son cours ; l’armée foudroyait la ville comme si chaque maison eût été une forteresse occupée par des milliers d’ennemis. Or, les insurgés en armes étaient à peine trois cents, et, trop convaincus de leur impuissance, ils étaient les premiers à s’étonner de la prolongation de la lutte. Les plus ardents parmi les ouvriers étaient descendus dans l’intérieur de Lyon, attirés par le procès des mutuellistes, et ils n’avaient pu, regagnant leurs faubourgs, y donner le signal du combat ! A la Croix-Rousse, que déconcertait son isolement, M. Carrier ne commandait qu’à un fort petit nombre d’hommes. Au faubourg de Vaise, M. Reverchon avait fait de vains efforts pour rassembler les éléments d’une résistance suffisante, et s’était retiré dans l’espoir de soulever les campagnes. Dans le faubourg de la Guillotière, l’insurrection allait céder aux prières et
- ↑ Nous empruntons cette anecdote à une brochure publiée par M. Sala,
sous ce titre : Les Ouvriers lyonnais en 1834, brochure dans laquelle
l’auteur, homme de talent, a fait preuve, à l’égard des républicains, quoique
lui-même légitimiste, d’un esprit de justice tout-à-fait digne d’éloges.
M. Sala fut arrêté le 12 avril, à Lyon, en même temps que M. de Bourmont fils mais ils ne tardèrent pas à être relâchés l’un et l’autre.