Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/311

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ma femme, nous venons de nous lever. Faites perquisition, vous verrez que je ne suis point un malfaiteur. » Un soldat l’ajuste. Louis tombe de son haut la face contre terre, il pousse un long cri ! « Ah !… » Le soldat lui donne deux ou trois coups de crosse sur la tête, du pied le retourne sur le dos pour s’assurer qu’il était bien mort. Je me jette sur le corps de mon amant. « Louis, Louis ! Ah ! si tu m’entends !… Un soldat me renverse sur le carreau. Quand je me relevai, les soldats avaient disparu. Je prêtai l’oreille j’entendis de nouveaux pas, on revenait dans la chambre. J’eus peur, je me fourrai sous les matelas. « Est-ce qu’il n’y a plus personne à tuer ici ? disait une voix. Cherche donc sous les matelas. Non, répondait une autre, je viens d’examiner ; il n’y en avait qu’un, tu le sais, va, il est bien mort. Mme Hu. Dès la veille, nous avions été jusqu’à seize personnes, hommes et femmes, dans le cabinet occupé par Mme Bouton. Nous nous y étions retirés dès que les insurgés menacèrent d’envahir la maison, car eux seuls nous inquiétaient. Nous ne pensions guère à avoir à redouter quelque chose de la troupe. Nous étions absolument les uns sur les autres. M. Bouton nous avait tant de fois parlé de ses campagnes, des dangers qu’il avait courus, que nous nous croyions plus en sûreté vers lui ; cela était si naturel !… Nous étions encore treize, quand les troupes cherchent à briser la porte. À ce moment, nous n’avions plus de sang dans les veines. Mme Godefroy était le plus près de la porte. Elle tenait un enfant de quinze mois sur ses bras ; après elle venait M. Hû, mon mari, portant également notre enfant dans les siens. Mme Godefroy ne voulait pas ouvrir. « Ouvrez, ouvrez, dit mon mari, que ces messieurs voient (il présente un enfant en avant) nous sommes, vous le voyez, avec notre famille, mes amis, mes frères ! Nous sommes ici tous pères et mères pacifiques. J’ai un frère qui est soldat aussi sous les drapeaux en Alger. » Mme Godefroy, est poussée dans le corridor. M. Hû, frappé à « mort, tombe avec son fils sur le côté droit. L’enfant a le bras fracassé d’une balle. Une inspiration de mère, ajouta Mme Hû, me le fit arracher des bras de mon mari, et en me jetant en arrière, je tombai évanouie dans un grillage placé derrière moi. À ce moment, mon mari, déjà à terre, est frappé dans le dos de vingt-deux coups de fusils et de baïonnette. On peut encore voir ses vêtements, ils sont tellement déchirés qu’ils ne présentent plus que des lambeaux raidis par le sang. M. Thierry