est tué ; Loisillon, fils de la portière, succombe sous les coups. Plusieurs personnes tombent blessées. Loisillon pousse un cri d’agonie. « Ah ! gredin, tu n’es pas encore fini ! disent les soldats. Ils se baissent et l’achèvent. C’est alors qu’ils aperçoivent M. Bouton, accroupi sous une table. Comme ils n’avaient plus de fusils chargés, ils le lardent à coups de baïonnette. Le train était tel que je crois encore l’entendre. Ensuite, il est entré d’autres soldats qui ont tiré sur lui. »
Hâtons-nous de dire que, parmi les soldats employés à cette œuvre sans nom, il y en eut qui, par les plus nobles inspirations de la générosité aux abois, s’étudièrent à déjouer la barbarie de leurs camarades. Quant aux égorgeurs, qu’ils aient agi par ordre, et dans l’intime conviction que d’une croisée de la maison n°12 on avait tiré sur eux, c’est ce qu’ont prouvé de nombreux témoignages c’est ce qu’il serait affreux d’être obligé de mettre en doute, c’est ce que nous voulons croire et croyons profondément ; mais, pour châtier une agression dont on ignore l’auteur, entasser au hasard meurtre sur meurtre, confondre dans une même immolation l’innocent et le coupable, courir sus à des femmes et à des enfants et à des vieillards, supprimer le juge au profit du bourreau, et, là où dans les guerres les plus impies on n’ose faire que des prisonniers, faire des victimes… Ah ! … je sens que l’indignation prend le dessus, et il faut s’arrêter. Temps malheureux, auquel on ne peut se reporter sans avoir à refouler avec effort l’amertume intérieure qui déborde, et dont l’historien ne saurait retracer gravement le souvenir qu’en étouffant, pour ainsi dire, à deux mains toutes les révoltes de son cœur !