Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/345

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subordonner sa destinée à l’ambition de quelques hommes gonflés de leur propre mérite et chargés de haines ? Tel était, surtout, le langage des courtisans, habiles à servir les secrètes pensées du roi. Car le roi désirait avec passion l’affaiblissement du Cabinet. M. Guizot et M. Thiers, en s’unissant, faisaient trop complétement contre-poids à la volonté royale. On voulait les diviser, les subjuguer l’un par l’autre ; et le roi comprenait qu’il ne gouvernerait à l’aise que le jour où, entre les hommes les plus influents et les plus capables, le dissentiment serait devenu assez profond pour lui fournir des ministères de rechange. Il serait peu digne de l’histoire d’entrer dans le détail de toutes les manœuvres ténébreuses employées au triomphe du système de la Cour. Ce que nous venons d’en rapporter suffit pour montrer par quelle pente inévitable le régime représentatif arrivait à n’être plus qu’une plate comédie.

M. Thiers, comme on le verra, finit par être dupe de ces manèges ; mais, dans l’occasion dont il s’agit, on lui doit cette justice qu’il y sut échapper. Il alla même, dans sa résistance, beaucoup plus loin qu’on ne croyait ; et de son union avec M. Guizot, résulta la combinaison que voici :

M. Thiers, on l’a vu, n’avait repoussé l’amnistie que pour ne pas jouer, à l’égard de l’opinion et du maréchal Gérard, le rôle de vaincu. Il pensa qu’il n’y aurait aucun inconvénient à rappeler le maréchal dans le Conseil en cédant sur la question d’amnistie, si d’une part on couvrait ce qu’il y avait de pusillanime dans une telle concession par une mesure qui bravât les partis, et si, d’autre part, on