Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 4.djvu/381

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taient ses refus. Dans la matinée, une nouvelle tentative essayée auprès de lui par MM. Guizot et Duchâtel avait complétement échouée, et l’on blâmait généralement cette obstination dont l’injure pesait sur un homme considérable. Car M. Thiers s’était donné bien de garde d’avouer le véritable motif de sa conduite. S’il se refusait à une combinaison dans laquelle sa place aurait été marquée à côté du duc de Broglie, c’était uniquement, disait-il, parce que M. de Broglie n’était populaire ni dans le pays ni dans les Chambres, et pouvait conséquemment créer au Cabinet qui accepterait sa présidence de trop nombreuses difficultés. Le prétexte était bien choisi, et l’impopularité de M. de Broglie incontestable.

Il fallait un terme à une situation aussi singulière. M. Thiers était sorti de la séance du 11 mars, préoccupé, rêveur, et déjà ébranlé à demi. Le soir, les députés de la majorité se réunirent chez M. Fulchiron, et l’on y décida qu’on enverrait au ministre de l’intérieur une députation chargée de lui faire connaître que l’appui de la Chambre était acquis au duc de Broglie, devenu président du Conseil. Cette démarche mit fin la crise. M. Thiers se rendit enfin ; M. Delarue fut envoyé au maréchal Maison, ambassadeur en Russie, pour le rappeler, et lui offrir le portefeuille de la guerre, qu’on confia, par intérim, à M. de Rigny, dépossédé ; le Cabinet, à la veille de se dissoudre, se raffermit sous la présidence de M. de Broglie, au grand déplaisir du roi ; et la Cour, consternée, ne songea plus qu’aux moyens d’empoisonner les fruits d’une victoire qu’elle ne regardait pas comme définitive.