celui-ci : « C’est le crime d’un fanatique isolé. » Mais ce qu’un pareil cri avait de noble et de vraiment français, les courtisans, race obstinément vile, les courtisans étaient hors d’état de l’apprécier. Ils ne comprirent pas qu’en essayant d’étendre la solidarité de l’attentat, ils calomniaient leur pays ; et, comme c’était le parti républicain qu’ils redoutaient le plus, ce fut à lui que s’adressa d’abord l’outrage de leurs soupçons. Un loyal militaire, le général Morand, s’était rendu au château. Il y annonce que certains détails, à lui communiqués, tendent à assigner au complot une origine légitimiste, et qu’il est prêt à en faire part à la justice. Aussitôt on s’indigne, on l’interpelle avec aigreur. Pourquoi ne pas laisser sur un parti qu’on a un intérêt spécial à noircir, l’odieux d’un semblable crime ? « Ce sont les républicains, » murmurent les courtisans ; et une voix qu’on n’avait pas coutume de contredire s’écrie : « Nous savons d’où le coup est parti ; les légitimistes n’y sont pour rien. Ce sont les républicains, » s’était aussi écrié Bonaparte, après l’attentat de nivôse.
Quant aux ministres, ils avaient hâte de mettre à profit l’événement. Sans autre guide que le soupçon, sans autre règle que la haine, ils ordonnent visites domiciliaires, arrestations préventives, poursuites. Qui le croirait ? M. Thiers étant ministre, Armand Carrel se vit enveloppé dans une persécution ayant pour but ou pour prétexte la recherche des complices d’un assassin ! M. Thiers, pourtant, avait connu Armand Carrel dans l’intimité, et il le savait loyal jusqu’au scrupule. S’il le fit arrêter par calcul ou par vengeance, c’est ce qu’il importe peu