Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/323

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

depuis, il était bien revenu de son illusion ; et il avait, en matière de finances, trop de sagacité pour

    plus demandée. Cette hausse extraordinaire, qui l’avait produite ? l’amortissement. Qui en souffrait ? L’amortissement.

    Il fallut mettre un terme à ce mouvement désastreux. En 1831, il fut arrêté que la dotation de l’amortissement serait répartie entre les diverses espèces de rentes, et que la portion de cette dotation affectée au rachat des rentes 5 pour 0/0 serait mise en réserve.

    Mais que faire de cette réserve ? On imagina de la convertir en bons du trésor, et ce que les contribuables avaient voté pour la réduction de la dette publique reçut une tout autre destination.

    L’État restait débiteur de cette réserve vis-à-vis de la caisse d’amortissement. Pour le libérer, que fit-on ? En 1833 et 1834, divers crédits en rentes avaient été accordés au gouvernement. Les rentes qui venaient de lui être allouées, il les fit inscrire au nom de la caisse, en échange des bons du trésor qui la constituaient créancière de l’État. Cette opération singulière fut pompeusement appelée consolidation de la dette publique, et tout fut dit. De sorte que les millions demandés à la misère des contribuables pour le rachat des rentes déjà émises, on les employait à émettre impunément des rentes nouvelles ! De sorte qu’on augmentait la dette publique par le jeu même des fonds donnés pour la réduire !

    Cependant, le 5 continuant à se maintenir au-dessus du pair, on s’avisa d’appliquer la réserve aux travaux publics.

    Telle est en peu de mots l’histoire de cette institution, qu’on n’avait pu conserver, comme on vient de le voir, qu’à la condition de la dénaturer sans cesse.

    Prouvons maintenant que, lors même qu’il n’est point paralysé, ou détourné de sa destination, l’amortissement est pour la société une cause de ruine.

    Absurdité de l’amortissement. — Que fait un commerçant qui veut s’enrichir ? Il achète en gros et vend en détail. L’amortissement fait tout le contraire.

    Chacun sait que plus une marchandise est courue, plus son prix s’élève. Or, l’amortissement, gros acheteur de rentes, ne saurait paraître sur le marché sans faire hausser par sa présence même les rentes qu’il doit acheter. Singulière façon d’alléger les charges de l’État !

    En temps de prospérité, à quoi bon l’amortissement ? Puisque le cours des rentes, alors, s’élève rapidement, les racheter est une duperie.

    En temps de crise, à la bonne heure. Mais, en temps de crise, les gouvernements sont forcés de recourir à des emprunts, et à des emprunts onéreux. L’État qui, en de telles circonstances, emprunte pour amortir, ne ressemble-t-il pas au négociant qui achéterait des grains dans des jours de disette pour les vendre plus tard à une époque d’abondance ?