Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/388

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vous avez à faire, vous observent, vous tâtent. Qu’ils vous sachent fiers et fermes, ils mesureront, ils contiendront leurs paroles, leurs actes ils y regarderont à deux fois avant d’engager une question et de courir une chance contre vous. Mais s’ils vous trouvent, s’ils vous sentent un peu timides, irrésolus, enclins à éluder, à céder, croyez-vous qu’ils vous feront des conditions meilleures, qu’ils vous traiteront avec plus de ménagement ? Tout au contraire : ils insisteront, ils presseront, ils inquiéteront ; ils se soucieront peu de vous susciter des affaires, ils compteront peu avec vous. Et la paix, chargée d’embarras, de questions, d’ennuis, de dégoûts, deviendra de plus en plus incommode, difficile, et se trouvera enfin en péril, quoi que vous ayez fait pour la maintenir.

Grand et noble langage, mais bien différent de celui que M. Guizot devait tenir plus tard comme ministre des affaires étrangères !

Tout-à-coup, et du sein de tant de clameurs confuses, s’éleva une voix imposante dans un discours aux électeurs de Vitry, M. Royer-Collard condamna formellement la coalition. Immense sujet de joie pour la Cour et de fureur pour ses ennemis ! M. RoyerCollard, jusqu’alors respecté par la polémique, se vit en butte à des traits empoisonnés. L’envie, disait-on, est montée à son cœur, et la supériorité de M. Guizot, son ancien disciple, l’accable.

Ainsi, les opinions déroutées, les anciennes amitiés méconnues, les ennemis de la veille se réveillant alliés, le pouvoir convoité à outrance, les ministres à bout de moyens corrupteurs, la société troublée par le choc de mille passions personnelles et factices, des hommes qui avaient exagéré l’ordre exagérant jusqu’à l’esprit de faction, l’autorité avilie par l’action d’autrui et par son action propre, l’insulte devenue l’arme de chacun, l’administration au pillage, et la royauté planant inquiète au-