Page:Blanc - Histoire de dix ans, tome 5.djvu/456

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égyptien alla faire en personne la reconnaissance du camp de Hafiz. L’armée des Turcs, campée au sud du village de Nézib, à gauche et à droite de la rivière, s’abritait derrière des retranchements très-bien construits, et occupait une position formidable. Ibrahim jugea l’attaque de front trop périlleuse. Il revint donc sur ses pas et marcha vers l’est de manière à tourner la gauche de l’ennemi. Mais pour arriver jusqu’à lui en le prenant à revers, il fallait passer par une gorge étroite et longue, que les Egyptiens ne devaient franchir qu’inondée de leur sang, si Hafiz tentait de barrer le passage. Ibrahim n’hésita pas, tant il avait foi dans sa fortune, et le succès lui donna raison. Par un aveuglement inexplicable, Hafiz resta immobile dans son camp. Parvenu ainsi sans avoir rencontré visage ennemi, à l’extrémité de la gorge, Ibrahim fit halte avec son avant-garde, s’étendit à terre, et, en attendant le gros de son armée, s’endormit.

Le 24 juin était le jour fixé pour la bataille, jour solennel qui semblait porter en lui tout l’avenir de l’empire ottoman et, peut-être, un demi-siècle de révolutions et de combats pour l’Europe. Par le nombre, les deux armées étaient à peu près égales : 40,000 hommes environ de chaque côté. Mais, par la discipline, la confiance, la réputation des généraux, les Egyptiens l’emportaient.

Né dans la région du Caucase, Hafiz-Pacha unissait à beaucoup de vigueur et de ténacité une exaltation pieuse qu’il avait puisée dans une étude spéciale du Koran et que son maintien révélait. Vainqueur des Albanais, vainqueur des Kurdes, il