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lieu du XIIe siècle, vendit ses biens, en distribua le prix aux pauvres, et renouvela la vie des apôtres ; l’Anglais Wiclef, dont on allait déterrer le cadavre pour le brûler et en jeter ensuite les cendres dans la rivière de Lutterworth[1]. Jean Huss, en un mot, continuait ces hérétiques que le moine dominicain Reinher, leur ennemi, a dépeints en ces termes : « Ils sont composés et modestes en toutes choses. Ils évitent le luxe et la vanité dans leurs habits. Ils n’exercent aucun négoce, à cause des fraudes et des mensonges qui s’y commettent. Ils communient volontiers… Ils parlent peu et humblement. Ils sont de bonnes mœurs en apparence. Ils sont ordinairement pâles[2] »

Et il ne faut pas s’étonner si jusqu’alors les révoltes de la conscience et le cri des peuples, si les mouvements de l’esprit humain, si les tressaillements de la terre en travail n’avaient été que révolutions théologiques. Rome était, depuis Grégoire VII, sur de telles hauteurs, qu’on l’apercevait de partout. Rome couvrait de son ombre les trônes mêmes. On se rappelait Henri IV d’Allemagne, dépouillé de ses vêtements de roi, couvert d’un cilice, et suppliant les yeux en larmes, aux genoux d’un moine irrité. « Il n’y a que le pape qui ait le droit de se nommer ici-bas[3] » avait dit Hildebrand, et il avait fait croire cela aux nations étonnées. L’Église, d’ailleurs, ne possédait-elle pas l’homme tout entier ? Elle le recevait à son entrée dans la vie, elle présidait à la formation des familles, elle décidait de la morale, elle recueillait la dernière pensée du mourant, elle conduisait la fête des morts, elle se tenait au seuil des deux éternités, dont elle avait fait aux fidèles un sujet d’espérance ou de terreur. Seule donc elle était et paraissait responsable de l’état du monde.

C’est pourquoi l’usurpation flétrissait alors, sous le

    apôtres. Hist. des Albigeois et des Vaudois, par le R. P. Benoist, t. II, p. 238. 1691.

  1. Sur l’identité des deux sectes, Albigeois et Vaudois, voy. Basnage, Hist. de l’Église, t. II, p. 1417.
  2. Lenfant, Hist. du concile de Constance, p 268.
  3. « Quod unicum est nomen in mundo. » Dictalus Gregorii papœ VII,