un intérêt politique qui pouvait se trouver et se trouva souvent, en effet, en opposition directe avec l’intérêt religieux.
Ajoutez à cela que les peuples, devenant industriels de militaires qu’ils avaient été, commençaient à se dégoûter des disputes stériles ; que la scolastique, nourriture intellectuelle du moyen âge, ne suffisait plus ; que de Constantinople, prise par les Turcs, s’étaient échappés et répandus sur tout le monde occidental, comme autant de flambeaux vivants, les propagateurs du génie antique ; que, si les lettres renaissantes avaient servi Rome dans Rome, ce n’avait été qu’en la rendant à demi païenne ; que partout ailleurs, et notamment en Allemagne, elles avaient produit leur effet naturel et préparé l’affranchissement de la raison ; que les travaux philologiques de Reuchlin, les écrits d’Érasme, les études astronomiques, semblaient annoncer l’avènement d’une science profane destinée à remplacer la théologie et à remplir le vide qu’en tombant la papauté devait laisser dans l’histoire.
Y eut-il jamais, pour une vaste révolution, un plus merveilleux concours de circonstances ? Et toutefois, dans les débuts de son entreprise, Luther hésita ; il eut pour l’erreur d’involontaires ménagements, il éprouva par moments des transes mortelles… : tant paraissait difficile à soulever le fardeau sous lequel avait jusqu’alors ployé l’Europe ! tant faisait peur encore cette grande figure du pape[1] !
Aussi ne fallut-il pas moins, pour exciter Luther, que le commerce des indulgences, effroyable débordement de scandales. Il se leva indigné, quand il vit l’Allemagne à genoux devant le coffre-fort d’un caravane d’imposteurs, envoyés de Rome pour vendre la rémission des péchés.
Ainsi, pour Luther approchait l’heure des résolutions extrêmes. Bien vainement eût-il voulu s’arrêter :
- ↑ 1 « Fateor, mi Erasme, etc. » Omn. oper. Lutheri, t. III, p 173.