tion avide la sainte poésie du bienfait. Combinée avec l’association, au contraire, l’épargne acquiert un caractère respectable, une importance sacrée. N’épargner que pour soi, c’est faire acte de défiance à l’égard de ses semblables et de l’avenir ; mais épargner pour autrui en même temps que pour soi, ce serait pratiquer la grande prudence, ce serait donner à la sagesse les proportions du dévouement.
Certains moralistes ont vanté dans l’institution actuelle de la caisse-d’épargne un puissant moyen de combattre le penchant des classes pauvres pour les tristes plaisirs de l’ivresse. Il nous semble que le remède est ailleurs. C’est parce que la réalité lui est trop dure, que l’ouvrier cherche si volontiers une issue vers le pays des songes. Cette coupe grossière qu’on veut, dans son intérêt, lui briser entre les mains, ce qui la lui fait aimer c’est qu’elle renferme les heures d’oubli. Combien qui ont besoin, pour supporter l’existence, d’en perdre à moitié le sentiment ! Et à qui la faute, sinon à la société, quand elle fait entre ses membres une répartition si injuste des travaux et des jouissances ? L’oisif s’enivre à force de s’ennuyer, le pauvre qui travaille s’enivre à force de souffrir. La sagesse naîtrait, pour tous, d’une convenable alternative d’exercice et de repos, de labeurs et de plaisirs. De sorte que nous sommes ramenés encore, toujours ramenés au problème fondamental :