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Page:Blandy - L Oncle Philibert.djvu/287

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tien, mon cher enfant, et, comme tu n’es point près de moi pour me faire perdre le fil de mon récit par des questions de toute sorte, j’en vais profiter pour te raconter tout au long comment j’ai découvert ce nom ainsi que le lieu de ta naissance.

« Tu te souviens qu’en partant pour ton régiment, en 1867, tu me prias de garder ta vieille Bible, que tu craignais de perdre dans le capharnaüm d’une caserne et le tohu-bohu des déplacements militaires. Je l’avais placée sur un rayon de ma bibliothèque. Dans un de ces tristes jours pendant lesquels nous avions à trembler pour Paul, pour toi, pour la France, je pris ce livre, me sentant plus triste qu’à l’ordinaire, et je voulus en lire un chapitre. Quel ne fut pas mon étonnement lorsque je m’aperçus que les souris ayant rongé ses deux enveloppes, et sa reliure paraissant tout entière, les deux plats du volume formaient une sorte de boitier. J’ouvris cette gaine et trouvai dans l’intérieur tous les papiers constatant ton identité : ton acte de naissance, l’attestation de ton oncle Théodore Demaisy affirmant qu’il t’avait confié aux soins de Jacques Sauviac avant de s’embarquer pour l’Amérique, et, de plus, l’histoire sommaire de ta famille depuis près de deux cents ans. Les feuillets insérés dans le double fond de ta Bible constituaient ce qu’on nommait autrefois un Livre de Raison, ce qui revient à dire un mémorial de famille ; en effet, j’ai trouvé consignées là les dates des morts, des naissances, des mariages, des achats et des ventes opérés par la famille Demaisy.

« Tu es d’origine française, mon cher enfant ; ainsi c’est pour ta vraie patrie et non pour ton pays d’adoption que lu as souffert et bataillé depuis cinq mois. Les Demaisy sont établis en Savoie depuis 1687, à l’époque où une partie des fabricants français s’expatrièrent et enrichirent de leur industrie les nations voisines de notre pays. Ta famille,