Aller au contenu

Page:Blandy - Le Petit Roi.djvu/104

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

On y arrivait par une longue allée de tilleuls, superbes de frondaison à cette époque de l’année, et quand les voitures s’arrêtèrent dans la cour, toute la population du village, qui y était réunie en habits de fête, salua l’arrivée de ses seigneurs par trois salves d’exclamations joyeuses.

C’est que les Alénitsine, depuis deux générations au moins, n’avaient pas fait peser sur leurs serfs un de ces rudes jougs dont le martyrologe du peuple russe garde le souvenir. Lors de l’émancipation des mougiks, les intérêts pendant entre le village et la maison seigneuriale, s’étaient traités loyalement, sans procès devant les tribunaux du district, et le comte Pavel avait aidé de ses conseils la liberté inexpérimentée de ses anciens serfs, devenus ses tenanciers.

Aussi la cour de la Mouldaïa était-elle pleine de vieillards à longues barbes blanches, à joues rosées, à petits yeux bleus souriants et naïfs comme des yeux d’enfants ; d’hommes faits, trapus et robustes, dont les cheveux plats, séparés par une raie presque médiane, tombaient en mèches irrégulières plus bas que leurs oreilles. Ils étaient tous vêtus de cette sorte de blouse longue à manches demi-larges qui est le vêtement d’été des mougiks, et du pantalon serré sous le genou par la tige de hautes bottes de cuir. Leurs ceintures violemment sanglées au dessus des reins, et le flot de rubans rouges attaché au côté droit des bonnets qu’ils agitaient en l’air, étaient destinés à fêter l’arrivée de leurs seigneurs.