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Page:Blandy - Le Petit Roi.djvu/131

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Se sentant abandonné, Stéphane perdit contenance d’autant plus vite qu’il n’y avait rien dans cette chambre qui ne l’accusât, depuis le cadavre de l’animal gisant dans le mac-farlane souillé de sang, jusqu’aux lamentations du bohémien accroupi à terre à côté de son ours dans une pose désespérée, jusqu’à l’odeur de poudre brûlée qui s’exhalait encore.

Mlle Mertaud avait l’intention de donner une leçon publique à son élève et de l’interroger à son tour devant la domesticité qui se pressait à l’entrée de la chambre ; mais quand elle vit Stéphane reculant d’horreur devant le cadavre, et baissant les yeux devant la chambre ravagée de M. Carlstone, elle eut pitié du coupable et renvoya d’un geste le groupe des gens de service qui recueillait là un récit intéressant pour les veillées d’hiver dans la pikarnia.

Lorsque la porte fut fermée sur eux : « Vous voyez votre œuvre, dit-elle à Stéphane d’un ton profondément attristé. J’ai à vous demander si elle est telle que vous l’avez préméditée et souhaitée ?

— Oh ! mademoiselle ! » s’écria-t-il pendant qu’un sanglot jusque-là contenu étranglait cette protestation.

Elle le prit par la main, et le conduisit tout près de l’ours : « C’était là, continua-t-elle, une bête inoffensive, apprivoisée ; vous avez trouvé plaisant de réveiller en elle ses instincts oubliés de férocité… Elle vous avait