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Page:Blandy - Le Petit Roi.djvu/257

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« Qu’avez-vous, bonne chère maman ? lui dit-il.

— Il demande ce que j’ai ! dit-elle, en s’adressant à tout le groupe qui s’était serré auprès d’elle à cette exclamation d’Arkadi. Ce que j’ai !… Ah ! mes enfants, c’est peut-être bien égoïste à moi de pleurer ainsi, mais ne sentez-vous pas qu’en partant tous, vous emportez mon bonheur ? Les vieilles gens ne vivent que de vous et pour vous, chers jeunes êtres, et quand vous vous éloignez d’eux, il ne leur reste rien que la solitude, et pour tout avenir, la mort, qui n’ose s’approcher d’eux quand elle les trouve accompagnés de toute une brillante jeunesse, consolés, choyés, amusés par son affection et son aimable babil. Ah ! si vous devez me laisser seule, pourquoi m’avez-vous habituée à cette douce vie que nous menons en France depuis cinq ans ? J’y étais faite, je me figurais qu’elle durerait toujours… Si l’un de vous m’était resté encore pour me parler des autres !… mais tous, vous partez ! Ah ! c’est trop cruel pour moi. »

Ils se taisaient tous ; car que répondre à cette plainte touchante, si naturelle, elle aussi, comme était naturel l’élan qui emportait Arkadi et Stéphane vers d’autres horizons que le cercle étroit de la vie de famille ? Le comte Pavel s’était mis aux genoux de sa mère et il essuyait d’une main tremblante les larmes que la comtesse ne cherchait pas à retenir ; mais il ne trouvait rien à dire à sa pauvre mère désolée, lorsque Arkadi eut une véritable inspiration.