Page:Blanqui - L’Éternité par les astres, 1872.djvu/58

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avec l’infini, il est riche. Si insatiable qu’on puisse être, il possède plus que toutes les demandes, plus que tous les rêves. D’ailleurs, cette pluie d’épreuves ne tombe pas en averse sur une localité. Elle s’éparpille à travers des champs incommensurables. Il nous importe assez peu que nos sosies soient nos voisins. Fussent-ils dans la lune, la conversation n’en serait pas plus commode, ni la connaissance plus aisée à faire. Il est même flatteur de se savoir là-bas, bien loin, plus loin que le diable Vauvert, lisant en pantoufles son journal, ou assistant à la bataille de Valmy, qui se livre en ce moment dans des milliers de Républiques françaises.

Pensez-vous qu’à l’autre bout de l’infini, dans quelque terre compatissante, le prince royal, arrivant trop tard sur Sadowa, ait permis au malheureux Benedeck de gagner sa bataille ?… Mais voici Pompée qui vient de perdre celle de Pharsale. Pauvre homme ! il s’en va chercher des consolations à Alexandrie, auprès de son bon ami le roi Ptolémée… César rira bien… Eh ! tout juste, il est en train de recevoir en plein sénat ses vingt-deux coups de poignard… Bah ! c’est sa ration quotidienne depuis le non-commencement du monde, et il les emmagasine avec une philosophie imperturbable. Il est vrai que ses sosies ne lui donnent pas l’alarme. Voilà le terrible ! on ne peut pas s’avertir. S’il était permis de faire passer l’histoire de sa vie, avec quelques bons conseils, aux doubles qu’on possède dans l’espace, on leur épargnerait bien des sottises et des chagrins…

Ceci, au fond, malgré la plaisanterie, est très-sérieux. Il ne s’agit nullement d’anti-lions, d’anti-tigres, ni d’œils au bout de la queue ; il s’agit de mathématiques et de faits positifs. Je défie la nature de ne pas fabriquer à la journée, depuis que le monde est monde, des milliards de systèmes solaires, calques serviles du nôtre, matériel et personnel. Je