Page:Blasco-Ibáñez - Les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse.djvu/26

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cette lutte où il n’y a pas de sang répandu. Voulez-vous, comme un homme qui risque sur une carte sa fortune entière, exposer de gaîté de cœur toute cette prospérité dans une lutte qui, en somme, pourrait vous être défavorable ?

— Ce qu’il nous faut, répliqua rageusement Erckmann, c’est la guerre, la guerre préventive ! Nous vivons entourés d’ennemis, et cela ne peut pas durer. Qu’on en finisse une bonne fois ! Eux ou nous ! L’Allemagne se sent assez forte pour défier le monde. Notre devoir est de mettre fin à la menace russe. Et si la France ne se tient pas tranquille, tant pis pour elle ! Et si quelque autre peuple ose intervenir contre nous, tant pis pour lui ! Quand je monte dans mes ateliers une machine nouvelle, c’est pour qu’elle produise, non pour qu’elle demeure au repos. Puisque nous possédons la première armée du monde, servons nous-en ; sinon, elle risquerait de se rouiller. Oui, oui ! on veut nous étouffer dans un cercle de fer ; mais l’Allemagne a la poitrine robuste, et, en se raidissant elle brisera le corset mortel. Réveillons-nous avant qu’on ne nous enchaîne dans notre sommeil ! Malheur à ceux que rencontrera notre épée !

Jules se crut obligé de répondre à cette déclaration arrogante. Il n’avait jamais vu le cercle de fer dont se plaignaient les Allemands. Tout ce que faisaient les nations voisines, c’était de prendre leurs précautions et de ne pas continuer à vivre dans une inerte