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ALIÉNÉ, 47-55.

terminé par l’arrêté d’autorisation. Le cautionnement est versé, en espèces, à la caisse des dépôts et consignations. La quotité doit en être calculée d’après le nombre des aliénés et le prix de la pension qu’ils paient, de manière que le montant en soit suffisant pour faire face aux dépenses ordinaires de l’asile pendant un mois. Ce terme est nécessaire pour prévenir les familles en cas de mort ou de cessation de fonctions du directeur, et leur donner le temps de retirer les malades qu’elles ont placés. (Circ. min. 20 avril 1855.)

Usant des pleins pouvoirs que lui conférait la loi, l’ordonnance affecte par privilége le cautionnement aux besoins des aliénés. (O. régl., art. 26.) Voy. no 52.

47. Obligations des directeurs. Pendant le cours de leur exercice, les directeurs sont tenus d’observer tous les engagements, toutes les conditions hygiéniques, pécuniaires et morales, auxquels a été subordonnée leur nomination. Ils doivent, de plus, résider dans l’établissement.

48. La même obligation est imposée au médecin qui assiste un directeur non docteur en médecine (art. 30).

49. Cas de retrait de l’autorisation. Dans tous les cas d’infraction aux lois et règlements sur la matière, le retrait peut être prononcé, si les circonstances paraissent assez graves à l’administration pour motiver cette mesure.

Aux termes de l’art. 33 de l’ordonnance réglementaire, c’est un acte émané du chef de l’État, qui seul peut prononcer le retrait, disposition qui nous paraît subsister encore, puisque le décret sur la décentralisation n’a donné pouvoir aux préfets que de statuer « sur l’autorisation d’établir des asiles privés » (no 37 du tableau A) et non sur le retrait de ces autorisations.

50. Dans le cas où un directeur soutiendrait qu’il a été frappé par un acte émané d’une autorité incompétente, ou qu’il n’a donné lieu au retrait de l’autorisation par aucune infraction aux lois et règlements, pourrait-il se pourvoir devant le Conseil d’État par la voie contentieuse ?

Le recours pour incompétence nous paraît devoir être considéré comme admissible aux termes de la loi du 7-14 octobre 1790.

51. Quant au recours fondé sur le motif que le directeur n’aurait, par aucune infraction, donné ouverture au droit de révocation, la question peut sembler plus douteuse. Suivant M. Dalloz (Rép., vo Aliénés, sect. 1, art. 3), l’autorisation accordée, les dépenses considérables faites sur la foi de cette autorisation, constituent au profit du directeur un droit acquis, auquel doit être donnée la protection du recours par la voie contentieuse. M. Dufour, au contraire (Traité de droit adm., 2e édit., t. VI, p. 12), pense que le Gouvernement, chargé en ces matières de l’appréciation de l’intérêt public le plus délicat, a reçu, pour le retrait aussi bien que pour la concession des autorisations, un pouvoir absolument discrétionnaire.

Nous nous rangeons à cette opinion, que la jurisprudence administrative a d’ailleurs consacrée. Tout ce qui touche cette matière est si intimement lié à l’intérêt public, que le Gouvernement, dont la principale mission est d’y veiller, doit avoir un pouvoir absolument discrétionnaire. Les intérêts particuliers qui peuvent être en jeu s’effacent devant la nécessité de sauvegarder la liberté individuelle et de protéger les malheureux dont la loi a confié la haute tutelle à l’administration.

52. Vacance dans la direction et interruption du service d’un asile privé. Le poste de directeur peut se trouver vacant par diverses causes. Tout d’abord, le préfet peut, pendant les délais nécessaires à l’instruction de la demande de révocation par lui soumise au Gouvernement, prononcer la suspension du directeur (art. 32). Le directeur peut être enlevé à ses fonctions par d’autres causes : par une interdiction judiciaire, par la faillite, par l’absence, par la mort. Le règlement lui donne la faculté de présenter à l’agrément du préfet, en prévision de ces cas, un suppléant éventuel (art. 27). Faute par lui d’avoir pris cette mesure, le préfet nomme, lorsque la vacance se produit, et lorsque, par une cause quelconque, le service de la maison se trouve interrompu, un régisseur provisoire, qui touche sur les mandats du préfet, pour l’appliquer aux besoins des aliénés, le cautionnement déposé par le directeur à la caisse des dépôts et consignations. (O. régl., art. 26. Voy. suprà, no 46.)

53. Les ayants cause du directeur, et les héritiers en cas de mort, peuvent toutefois prévenir cette nomination, en proposant, dans les vingt-quatre heures de la vacance, un régisseur provisoire à l’agrément du préfet (art. 27).

La régie provisoire ne peut, sans une autorisation spéciale du préfet, se prolonger au delà d’un mois (art. 27 et 28).

54. Dans le délai d’un mois, à partir de la vacance, les héritiers et ayants cause du directeur doivent présenter un nouveau directeur à l’approbation du préfet. À défaut de cette présentation, l’arrêté d’autorisation est réputé rapporté et l’établissement est fermé.

55. Un certain nombre d’asiles privés, ainsi qu’on le verra plus loin, s’engagent vis-à-vis des départements, moyennant un prix de journée, à entretenir des aliénés indigents ; il existe alors entre eux et les asiles publics dont ils font fonction une assimilation en vertu de laquelle le ministre de l’intérieur a cru devoir leur imposer, par décision du 15 janvier 1860, une obligation particulière. Des commissions de surveillance sont placées près de ces établissements, comme auprès des asiles publics. Elles sont constituées de la même manière ; mais leurs attributions ne sont pas étendues au delà des droits de surveillance et de contrôle qui appartiennent à l’autorité publique. Ainsi elles ne peuvent ni user des prérogatives que l’art. 31 de la loi de 1838 a conférées aux commissions des établissements publics, en ce qui concerne l’administration provisoire des biens des aliénés non interdits, ni être appelées, en conformité de l’art. 4 de l’ordonnance de 1839, à donner leur avis sur les budgets et les comptes, les actes relatifs à l’administration, etc. L’indépendance absolue que réclament leurs délibérations pouvant être gênée par la présence du directeur et du médecin, ces derniers n’ont pas le droit d’assister aux séances ; c’est aux commissions qu’il appartient de les convoquer lorsqu’elles le jugent nécessaire.