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BREVETS D’INVENTION, 11-15.

11. Après avoir fait une enquête consciencieuse sur cette matière encore neuve alors, le même rapporteur vint (le 12 fruct. an VI) réfuter lui-même les erreurs de son premier rapport.

« Le brevet d’invention, dit-il, n’est autre chose qu’un acte qui constate la déclaration faite par l’inventeur que l’idée qu’il se propose d’utiliser est à lui seul. Qu’elle soit bonne ou mauvaise, qu’elle soit neuve ou ancienne, le point principal est de ne point l’étouffer dans sa naissance et d’attendre pour la juger qu’elle ait reçu tous ses développements. Il est juste qu’il en recueille les prémices, s’il dit vrai ; et s’il dit faux, elle sera bientôt réclamée par ceux qui l’auront employée avant lui. Au premier cas, l’acte qu’on lui donne est indispensable, puisque sans lui il n’aurait pas de titre pour agir contre ceux qui voudraient la lui dérober ; dans le second, il lui sera absolument inutile, car il ne l’empêchera pas d’être déchu du droit privatif qu’il aurait, sans fondement, essayé d’acquérir. — Les arts ne prospèrent point dans les entraves ; ils exigent pour leur accroissement une liberté pleine et entière ; il faut la leur garantir par des lois tutélaires. Gardons-nous donc de soumettre leurs productions à des formes tracassières, et surtout à des vérifications qui pourraient devenir très-souvent fallacieuses. — Il y a peu d’inconvénients à ce que le charlatan se rende lui-même la dupe de son ineptie ou de sa mauvaise foi ; mais il y en aurait beaucoup si le véritable inventeur se voyait sans cesse exposé à être supplanté par l’intrigue et la collusion. Et à quoi servirait de soumettre les demandes de brevets à un jury ? La proposition n’en avait été prise que dans l’intérêt de la société ; dès qu’il demeure constant qu’il ne peut souffrir de l’omission de cette formalité, si elle n’était pas dangereuse, elle serait tout au moins inutile[1]. »

12. À ces considérations on doit ajouter la suivante que M. Renouard a mise en lumière en ces termes :

« Un inconvénient insurmontable, attaché au système préventif, suffirait pour le rendre inadmissible. Pourrait-on, ou ne pourrait-on pas, attaquer comme nuls et illégaux, les brevets accordés après examen et autorisation ?

« Si les attaques sont recevables, on aggrave notablement la condition des brevetés, puisque les lenteurs, les désagréments, les chances d’un examen préalable ne suffisent pas pour les dispenser de futures contestations. Peut-être est-ce la garantie des lumières que l’administration leur offrait, qui aura suffi pour les rassurer : ils se seront endormis dans une confiance qu’ils n’auraient pas eue s’ils n’avaient pu compter que sur eux-mêmes, et ils ne se seront pas entourés des lumières qui les auraient éclairés sur leur faiblesse. Les décisions de l’administration, savoir, l’attention eu la bonne foi des juges examinateurs, seront remis en question et serviront de texte à de fâcheux débats.

« Si, pour échapper à ces inconvénients, on déclare, de plein droit, bien acquis les brevets préalablement autorisés, on tombera dans un danger plus sérieux. La concession d’un monopole n’est jamais gratuite, puisqu’elle prive tous les autres citoyens de l’imitation et de la concurrence. Mais, si cette concession a été l’effet d’une prévarication ou d’une erreur, comment interdire au public, ou aux particuliers dépouillés de droits qui leur étaient acquis, la possibilité d’un recours ; comment accorder a l’administration la faculté d’excéder impunément ses pouvoirs, et de franchir irrévocablement les limites de sa capacité, en créant un privilége exclusif sur une industrie qui n’était cependant pas juste matière de monopole, puisqu’elle appartenait déjà, soit à quelque autre privilégié, soit à l’universalité des citoyens ? »

Sect. 2. — Publicité.

13. Une des conséquences du principe du non-examen préalable, c’est la publicité. En effet, tout requérant pouvant obtenir un brevet, même pour un objet déjà breveté, il fallait, d’un côté, mettre les personnes de bonne foi en état de savoir si leur idée a réellement le mérite de la priorité, et de l’autre, diminuer pour l’administration les chances de délivrer un titre entaché de nullité.

La nécessité de la publicité des brevets découle encore du contrat intervenu entre l’inventeur et la société. Cette dernière n’interdit à ses membres l’exploitation immédiate d’une invention brevetée qu’en échange de la connaissance du moyen, du procédé de l’inventeur, du résultat nouveau qu’il a obtenu. C’est à ce point, qu’une description insuffisante ou de mauvaise foi est une cause de nullité pour le brevet. Au reste, la nécessité de la publicité a encore moins été contestée que le principe du non-examen préalable, car il est évident que le public doit connaître le privilége qu’il est tenu de respecter.

14. La section V de la loi du 5 juillet 1844 a réglé ce qui concerne la publicité. Cette publicité a lieu de plusieurs manières :

Les descriptions, dessins, échantillons et modèles des brevets délivrés, restent, jusqu’à l’expiration des brevets (art. 23), déposés au ministère de l’agriculture, du commerce et des travaux publics, où ils sont communiqués sans frais ni déplacement à toute réquisition. Après l’expiration du brevet, les originaux des descriptions et dessins sont déposés au Conservatoire des arts et métiers (art. 26).

La communication des brevets devient obligatoire dès que cet acte a été signé par le directeur du commerce intérieur (ou par le chef de bureau) délégué à cet effet par le ministre, ce qui a lieu environ trois à quatre semaines après le dépôt à la préfecture. Toutefois, les brevets de perfectionnement ou d’addition demandés dans la première année du brevet principal par une personne autre que l’inventeur, devant rester cachetés jusqu’à l’expiration de cette première année (art. 18), leur communication s’en trouve retardée.

Toute personne peut demander des copies des descriptions et des dessins déposés au ministère. Ces copies ne peuvent se faire que par les soins de l’administration, et sont délivrées aux prix de 25 fr. pour les descriptions et d’une somme proportionnelle pour les dessins.

15. Une publicité plus grande est réservée aux

  1. Il est regrettable que le 1er volume de la Description des brevets d’invention pris sous le régime de la loi de 1791, ne renferme pas le second rapport de Eude.