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AFFOUAGE, 2-7.

tiellement des affectations dans les bois de l’État et des droits d’usage en bois, avec lesquels on le confond quelquefois. Contrairement à l’opinion d’auteurs estimables, et notamment de Proudhon, nous pensons que le droit d’affouage n’est pas comme les droits d’usage une servitude réelle. (Voy. l’arrêt de la Cour de cassat. du 7 mai 1829, quoique la jurisprudence paraisse s’être complétement modifiée.) Cette prestation, selon nous, n’est pas une dette fixe et absolue de la commune propriétaire des forêts, envers les habitants qui, ut singuli, auraient sur elles un droit d’usage. Elle n’est pas autre chose pour les habitants, qu’un mode de jouissance qui pourrait être changé, supprimé, sans indemnité pour les ayants droits. « On doit faire une grande différence, dit le rapporteur du Code forestier, entre les droits qu’ont les habitants d’une commune dans les forêts de l’État, et celui qu’ils ont dans les bois communaux ; l’un étant un droit sur une chose qui ne leur appartient pas, c’est-à-dire une servitude, et l’autre un droit qui n’est qu’un mode de jouissance de leur propre chose. » Cette distinction est très-importante, elle permet de trancher plusieurs questions délicates en cette matière, notamment celles relatives à la compétence. C’est ce caractère du droit d’affouage qui explique que ce droit appartienne à chaque habitant, propriétaire ou non, en sa qualité d’habitant, mais aux seuls habitants de la commune, sauf ce qui sera dit des bois de construction.

2. De la différence de destination entre les bois de chauffage et ceux de construction, il résulte, pour chacune de ces natures de bois, des règles spéciales que nous allons établir avant de passer à l’examen des règles qui leur sont communes.

CHAP. II. — BOIS DE CHAUFFAGE.
Sect. 1. — Nature spéciale de l’affouage délivré en bois de chauffage.

3. L’affouage distribué en bois de chauffage a un caractère pour ainsi dire alimentaire, aussi n’est-ce pas un droit qui puisse arrérager ; faute d’exercice en temps utile, le droit est périmé. Toutefois, la prestation de l’affouage n’est pas alimentaire dans le sens le plus restreint, car l’aliénation des portions affouagères n’est pas interdite ; loin de là, l’art. 112 du Code forestier a implicitement autorisé ces sortes d’aliénations ; car en déclarant que toutes les dispositions relatives au droit d’usage dans les bois de l’État sont applicables à la jouissance des communes dans leurs propres bois, il excepte l’art. 83, qui interdit aux usagers des bois de l’État la vente et l’échange des bois qui leur sont délivrés. La vente et l’échange des bois d’affouage sont donc permis par cela même qu’aucune disposition de droit ne les prohibe.

Sect. 2. — Mode de partage.

4. Les lois des 14 août 1792 et 10 juin 1793 avaient déterminé, pour base de la répartition de la propriété des biens communaux, le partage par tête. La loi du 26 nivôse an II et l’arrêté des consuls du 19 frimaire an X soumirent à la même règle la répartition des coupes affouagères autres que les futaies. À ce système, le décret du 20 juin 1806 et les avis du Conseil d’État, approuvés par l’empereur, des 20 juillet 1807 et 26 avril 1808, substituèrent le partage par feu. Enfin, l’art. 105 du Code forestier dispose : « S’il n’y a titre ou usage contraire, le partage des bois d’affouage se fera par feu, c’est-à-dire par chef de famille ou de maison, ayant domicile réel et fixe dans la commune. » La règle générale est donc aujourd’hui que la répartition se fasse par feu ; il n’y a d’exception que lorsqu’il existe titre ou usage contraire. — C’est dans la crainte que l’expression chef de famille n’indiquât pas assez clairement l’intention du législateur, que, lors de la discussion, on a ajouté ou de maison. Il résulte de là que les ayants droit à l’affouage ne sont pas seulement les habitants qui se trouvent chefs d’une famille, mais tous les habitants qui ont une maison, un feu distinct et personnel. Les célibataires, veufs, curés, etc., qui se trouvent dans ces conditions, doivent être portés au rôle de répartition. Au contraire, les individus, même pères de famille, qui vivent dans le même logis, sans avoir un ménage séparé, ne forment qu’un feu, et n’ont droit collectivement qu’à un seul lot.

5. L’art. 105 ne fait aucune distinction entre les habitants ; le principe d’égalité consacré par cet article nous paraît tellement absolu, que nous n’hésitons pas à penser qu’il est défendu de donner double ou triple part à aucun chef de famille, en raison des fonctions municipales ou sacerdotales qu’il exerce, alors même que le mode de jouissance serait fondé en titres, ou consacré par un usage ancien : c’est ce qui a été formellement jugé par le Conseil d’État le 25 juin 1827, par rejet du pourvoi de la ville de Colmar. Mais il existe plusieurs usages anciens qui n’accordent qu’une demi-part aux célibataires et veufs sans enfants ; ces usages fondés sur la nature présumée des besoins, et non sur l’inégalité des personnes, sont maintenus, car les principes d’égalité que 1789 a fondés, ne reçoivent ici aucune dérogation.

Sect. 3. — Du domicile.

6. Il ne suffit pas d’être habitant, chef de famille ou de maison ; il faut encore avoir dans la commune un domicile réel et fixe. Le mot réel exclut ceux qui prétendraient avoir conservé soit un domicile d’origine, soit un domicile de droit. Quant au mot fixe, il signifie que le domicile doit être certain, déterminé, et non qu’il doive être continuel, arrêté au même lieu. Il est certain qu’on doit exclure ceux qui n’ont dans la commune qu’un pied à-terre de plaisance pendant la belle saison. Il a été décidé que la gendarmerie et les douaniers ne devaient pas, à cause de l’instabilité de leur séjour, participer à l’affouage. (Arr. du C. 18 novembre 1846.) Néanmoins, l’exclusion des douaniers n’a été prononcée que « s’ils ne réunissent pas les diverses conditions d’admissibilité déterminées par l’art. 105 du Code forestier. » (Décis. Fin. 29 décembre 1828, implicitement maintenue par les arrêts précités.)

7. Une sérieuse divergence s’est élevée entre les arrêts et entre les auteurs, sur la manière dont s’acquiert le domicile dont il s’agit. La loi du 10 juin 1793 dispose, art. 3, sect. II : « Sera réputé habitant tout citoyen français domicilié dans la commune un an avant le jour de la promulgation du décret du 14 août 1792, ou qui ne l’aurait pas quittée un an avant cette époque pour s’établir dans une autre commune. » Cette disposition se trouve, il est vrai, dans la section qui