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Page:Block - Dictionnaire de l’administration française, tome 1.djvu/556

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CONFLIT, 47-50

ditions essentielles de la recevabilité du pourvoi. Ce jugement, cet arrêt peuvent, il est vrai, être mis à néant par la décision ultérieure de la Cour suprême ; mais, s’il en est ainsi, le conflit pourra être élevé devant la cour ou le tribunal de renvoi et, dans le cas contraire, le jugement n’aura pas cessé d’être en dernier ressort, l’arrêt n’aura pas cessé d’être définitif, non pas du jour et par l’effet du rejet du pourvoi en cassation, mais du jour même où il a été prononcé. Le sens de l’ordonnance ne laisse donc pas place à la question, et l’intention de ses auteurs à cet égard est également attestée par M. Taillandier (p. 150). Cette solution, incontestable en elle-même, s’explique et se justifie par les motifs généraux qui ont dicté les restrictions apportées à l’usage du conflit.

ART. 5. — DES CONFLITS DANS LES CAS PRÉVUS PAR L’ART. 3 DE L’ORDONNANCE DE 1828.

47. L’art. 3 de l’ordonnance du 1er juin 1828 est ainsi conçu :

« Ne donneront pas lieu au conflit : lo le défaut d’autorisation, soit de la part du Gouvernement, lorsqu’il s’agit de poursuites dirigées contre ses agents, soit de la part des conseils de préfecture, lorsqu’il s’agit de contestations judiciaires dans lesquelles les communes ou les établissements publics seront parties 20 le défaut d’accomplissement des formalités à remplir devant l’administration, préalablement aux poursuites judiciaires. »

Pourquoi le conflit ne peut-il être élevé dans de telles circonstances ? M. DE CORMENIN, dans le rapport déjà cité, en a donné la raison suivante « Il n’y a lieu à élever le conflit que si l’affaire est, de sa nature, administrative. Lasimple omission de quelque formalité ou le défaut d’autorisation préalable, en matière de procès communaux, en matière domaniale, en matière de contributions directes, en matière de mises en jugement, et autres, ne peut donner ouverture qu’à une action devant l’autorité[1] supérieure dans l’ordre hiérarchique pour l’annulation de la procédure. »

Et M. Taillandier (p. 124) ajoute :

« La commission pensa sur ce point, comme son rapporteur, que le défaut d’autorisation préalable ne saurait constituer qu’une exception susceptible d’être proposée devant le juge supérieur et d’entralner l’annulation de la procédure, mais qu’il ne pouvait jamais servir de fondement au conflit. »

48. Pour apprécier la valeur de ces motifs, il importe de se rendre compte des cas divers auxquels s’applique l’art. 3 de l’ordonnance.

Le premier et le principal de ces cas se référait à la garantie qui couvrait les agents du Gouvernement, conformément à l’art. 75 de la constitution de l’an VIII.

En second lieu, nulle commune on section de commune ne peut intenter une action en justice sans y être autorisée par le conseil de préfecture, ou, à défaut, par le Conseil d’État. (Art. 49 et 50 de la loi du 18 juill. 1837)[2].

En troisième lieu, tout particulier qui veut intenter une action en justice contre une commune ou section de commune doit préalablement adresser au préfet un mémoire exposant l’objet et les motifs de sa prétention la commune doit également obtenir l’autorisation de défendre à cette action, qui ne peut être intentée que deux mois après la remise du mémoire, mais qui peut l’être après ce délai, alors même que l’autorisation ne serait pas accbrdée. (Art. 51 et 54 de la loi précitée.)

En quatrième lieu, quiconque veut intenter une action contre l’État doit également adresser au préfet un mémoire faisant connattre l’objet et les motifs de sa demande, qui ne peut être introduite devant les tribunaux qu’un mois après la remise de ce mémoire. (L. 28 oct.-S nov. 1790, art. 15, tit. III.)

Enfin, et sans préjudice de quelques autres exemples analogues, s’il s’élève une demande en revendication de tout ou partie des meubles et effets saisis pour assurer le paiement des contributions directes, cette demande ne peut être portée devant les tribunaux qu’après avoir été soumise à l’administration dans la forme réglée par la loi précitée de 1790. (L. 12 nov. 1808, art. 4.)

49. Que, dans ces trois derniers cas, les principes de la matière conduisent à interdire le conflit, il ne saurait y avoir à cet égard aucune difficulté. En effet, quelque parti que prenne, dans ce cas, l’administration, l’action n’en sera pas moins portée et ne suivra pas moins son cours devant l’autorité judiciaire, si le demandeur croit devoir y donner suite. La suspension temporaire de l’exercice de cette action n’est en réalité qu’une simple formalité l’autorité judiciaire pent, sans inconvénient, être seule chargée de veiller à l’accomplissement de cette prescription, qui n’intéresse pas sérieusement les prérogatives et les droits de l’administration.

50. Mais les deux autres cas présentent-ils le même caractère ? Lorsqu’une commune veut agir en justice comme demanderesse, l’administration ne peut sans doute pas juger le procès mais elle peut, à la différence du cas où la commune serait défenderesse, empêcher ce procès même, en refusant son autorisation. L’exercice de ce pouvoir considérable, qui touche à l’une des plus graves attributions de la tutelle administrative, ne constitue-t-il qu’une simple formalité judiciaire ? Ne pourrait-on pas y voir une question préjudicielle, remplissant précisément la condition indiquée par M. de Cormenin, c’est-à-dire essentiellement administrative par sa nature ?

Cet aperçu, pourtant, serait plus spécieux qu’exact ; là encore il n’y a, dans la réalité, qu’une question de régularité ou d’irrégularité de la procédure. Mais on aurait pu, avec M. Trolley (t. V, n» 2163), se demander s’il en était de même de la garantie constitutionnelle qui protégeait les agents du Gouvernement contre toute poursuite, soit civile, soit criminelle, non autorisée par le Gouvernement lui-même ou par les administrations auxquelles il avait, pour certains cas, délégué cette mission. On. aurait pu d’autant mieux se le demander que, pendant de longues années (voy. notamment 27 déc. 1820), le Conseil d’État avait considéré le conflit comme pouvant et devant être

  1. Le texte de ce rapport, tel qne l’a publié M. Taillandier, contient ces mots : devant l’autorité administrative supérieure. Mais c’est une erreur évidente : il faut lire judiciaire au lieu de administrative.
  2. Il en est de même pour d’autres établissements publics, tels que les hospices, les fabriques, etc.