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Page:Block - Dictionnaire de l’administration française, tome 1.djvu/571

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CONFLIT, 103-107

déclinatoire, il ne serait pas obligé d’attendre, pour élever le conflit, l’envoi de ce jugement ou de cet arrêt par l’intermédiaire du parquet, et il pourrait, après avoir obtenu la délivrance d’une expédition de la décision, élever immédiatement le conflit ce serait même, de sa part, un acte de bonne et sage administration, qui atténuerait autant que possible les inconvénients inséparables du conflit dans ce cas.

103. En dehors de ce cas exceptionnel, l’art. 8 prévoit et règle les deux cas ordinaires : ou le déclinatoire est rejeté, ou il est admis par le tribunal. Cet article se place d’ailleurs dans la supposition d’un déclinatoire proposé en première instance ; mais nous verrons (nos 112 et suiv.) que quelques-unes de ses dispositions peuvent également recevoir leur application en appel.

104. En premier lieu, le déclinatoire peut être rejeté par le tribunal : c’est le cas prévu par le § 1er de l’art. 8.

Dans quels cas le déclinatoire est-il rejeté ? dans quels cas, par conséquent, le préfet peut-il exercer le droit qui lui est confié et remplir les obligations lui lui sont imposées en vue de cette hypothèse ? Il n’y a pas de difficulté d’abord si le tribunal, mentionnant expressément le déclinatoire, l’écarte en termes formels par le dispositif de son jugement, ou se déclare compétent et retient la cause, nonobstant la revendication élevée par le préfet.

Il n’y a guère de difficulté non plus, lorsque le procureur de la République a pris sur lui de ne pas communiquer le déclinatoire au tribunal, et que celui-ci n’a pas encore statué au fond le préfet doit alors provoquer un jugement sur son déclinatoire, il ne peut pas élever immédiatement le conflit. (7 mars 1850.)

105. Mais il peut arriver que le ministère public ait omis de communiquer le déclinatoire au tribunal, et que celui-ci procède immédiatement au jugement du fond : Il peut arriver également que le tribunal, tout en ayant reçu cette communication, procède comme si elle n avait pas eu lieu, et statue, soit sur la compétence contestée par les parties, soit au fond, sans faire aucune mention de l’intervention du préfet. Il peut arriver encore que le tribunal, au lieu de rejeter le déclinatoire comme mal fondé, comme revendiquant mal à propos pour l’administration une question qui serait de la compétence judiciaire, l’écarte comme irrégulier ou tardif, et déclare qu-il n’y a lieu pour lui d’y statuer.

Déjà nous avons eu l’occasion (nos 95 et 96) d’indiquer les solutions données à ces questions par la jurisprudence nous n’y revenons pas. Ces solutions découlent d’un seul et même principe l’autorité judiciaire a été mise en état et en demeure d’examiner elle-même sa compétence ; le vœu de l’ordonnance de 1828 est dès lors accompli, l’administration peut user de son droit.

106. Il peut arriver, en outre, que le tribunal, connaissant ou ne connaissant pas le déclinatoire, rende un jugement simplement préparatoire ou même interlocutoire, qui ne juge ni explicitement ni même implicitement, la question de compétence ce jugement équivaut-il au rejet du déclinatoire et autorise-t-il le préfet à élever immédiatement le conflit ? La jurisprudence a résolu, elle devait résoudre négativement cette question. Le déclinatoire, en effet, à la différence du conflit, n’oblige pas l’autorité judiciaire à surseoir absolument à toutes procédures ; il ne saurait, dès lors, l’empêcher de prendre les mesures d’instruction qui peuvent lui parattre nécessaires avant de statuer sur la question de compétence, et de là il suit que de telles mesures n’impliquent point par elles-mêmes le rejet de la revendication faite par le préfet.

Ainsi, sur une demande en réparation de dommages causés par l’exécution de travaux publics, le tribunal, en présence du déclinatoire du préfet, rend un jugement par lequel, avant dire droit, il ordonne une expertise à l’effet de constater si les dommages sont temporaires ou permanents. Ce jugement pouvait bien faire supposer que, dans la pensée du tribunal la question de compétence serait résolue par le rejet du déclinatoire, s’il était reconnu que les dommages étaient permanents. Mais, en définitive, le dispositif seul constitue la décision, et, dans l’espèce, il n’y avait pas de décision sur le déclinatoire. Aussi le conflit a-t-il été annulé. (30 mars 1842.)

De même, sur l’appel d’un jugement rendu par un juge de paix, le préfet propose le déclinatoire et le défendeur conteste la recevabilité de l’appel ; le tribunal, sans s’occuper du déclinatoire, accueille ce dernier moyen ; le conflit élevé dans de telles circonstances est manifestement prématuré. (31 déc. 1814.)

On peut citer dans le même sens les décisions des 8 novembre 1829, 27 février 1836, 4 juillet 1837, 11 juillet 1845, 5 janvier 1860, etc. Elles se rattachent au principe même du conflit : il n’y a conflit qu’antant qu’il y a contradiction entre les deux autorités, et la contradiction ne résulte que de l’acte par lequel l’autorité judiciaire, régulièrement invitée par l’autorité administrative à se dessaisir, refuse de faire droit à cette demande, en affirmant sa propre compétence le conflit ne peut donc être élevé qu’à cette condition.

107. Il faut néanmoins éviter d’exagérer le sens et la portée de cette jurisprudence elle n’a été établie que dans des espèces où le tribunal, même en préjugeant plus ou moins dans ses motifs la question de compétence posée parle déclinatoire, ne l’avait pas implicitement jugée par son dispositif mais, si cette dernière hypothèse se réalisait, le préfet pourrait et devrait regarder son déclinatoire comme ayant été rejeté, et élever alors le conflit. C’est ce qui résulte de la décision suivante du Tribunal des conflits (3 avril 1850) :

« Considérant que, par mémoire en date du 17 juillet 1848, le préfet du Nord avait demandé, devant le tribunal civil de Dunkerque, le renvoi de la cause devant l’autorité administrative ; que le procureur de la République a fait connaître ce mémoire au tribunal et a pris des conclusions formelles sur la demande qui en était l’objet ; — considérant que, par jugement du 21 mai 1849[1],

  1. Par ce jugement, le tribunal, sans mentionner et même sans viser le déclinatoire, avait ordonné une expertise ayant pour objet, non pas seulement de vérifier certains faits pouvant influer plus ou moins sur la solution de la difficulté, mais d’examiner précisément la question préjudicielle dont le déclinatoire revendiquait la reconnaissance