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Page:Block - Dictionnaire de l’administration française, tome 1.djvu/572

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CONFLIT, 108-113

le tribunal, sans mentionner le déclinatoire, l’a rejeté implicitement en statuant comme s’il n’existait pas ; — considérant que, dans ces circonstances, le préfet s’est conformé à l’art. 8 de l’ordonnance du 1er juin 1828, lorsque, en élevant le conflit, il a tenu le déclinatoire pour rejeté… »

La nuance qui sépare cette solution de celles que nous avons précédemment citées est délicate ; il importe de la saisir exactement, pour faire, au besoin, une saine et judicieuse application de ces diverses décisions.

108. Si le déclinatoire est rejeté, le préfet peut élever le conflit. Il peut l’élever ; c’est une faculté laissée à son appréciation, ce n’est pas une obligation pour lui ; soit que les motifs du jugement lui démontrent qu’il s’est trompé en revendiquant le litige pour l’administration, soit par toute autre cause, il peut ne pas pousser plus loin cette revendication. Mais si le jugement qui a rejeté son déclinatoire est frappé d’appel par l’une des parties, l’abstention du préfet après ce jugement ne lui nuit pas devant les juges d’appel ; il ressaisit alors son droit, il peut proposer devant eux un nouveau déclinatoire et élever, s’il y a lieu, le conflit. C’est là, comme nous l’avons vu (nos 55 et suivants), un des cas dans lesquels le conflit peut être élevé en appel, car il ne l’a pas été en première instance. (Art. 4, § 2, et art. 11.)

Si, au contraire, le rejet de son déclinatoire par le tribunal n’ébranle pas sa conviction si ce rejet le détermine à agir immédiatement, il doit élever le conflit dans la quinzaine de renvoi qui lui a été fait du jugement, conformément à l’art. 7, et le conflit n’est régulièrement élevé qu’autant que, dans le même délai, il a été déposé au greffe, (10 mars 1858, 16 fév. 1860, 2 août 1860, 16 mai 1863, etc.)

Ainsi qu’on le voit, c’est la date de l’envoi du jugement, constatée par le registre tenu au parquet, qui fait courir le délai il n’y a donc pas à rechercher la date plus ou moins incertaine de la réception des pièces à la préfecture, encore bien que deux ou trois jours séparent quelquefois ces deux dates. Cette solution a été implicitement consacrée par diverses décisions du Conseil d’État, notamment par celles des 25 avril 1845, 7 décembre 1847, etc.

Mais le jour de l’envoi ne compte pas dans le délai (23 juill. 1841, 7 août 1843, etc.). Le jour de l’échéance, c’est-à-dire le dernier jour de la quinzaine, doit, au contraire, y être compris (30 déc. 1843). Ces deux règles sont de droit commun (sauf quelques exceptions spéciales) en matière de délais.

L’envoi du jugement ne suffirait pas s’il n’était accompagne, ainsi que le prescrit l’art. 7, d’une copie des conclusions ou réquisitions du ministère public ; mais il suffirait que ces conclusions ou réquisitions fussent textuellement rapportées dans la copie du jugement. (28 janv. 1848, 25 nov. 1852 )

109. La signification du jugement au préfet par la partie intéressée ne remplacerait pas l’envoi exigé par l’art. 7 et ne ferait pas courir le délai. Ainsi jugé par le Conseil d’État le 8 septembre 1839.

Cette jurisprudence a été critiquée ; on a dit que les parties avaient intérêt à mettre le préfet en demeure d’user de son droit, et que, si le ministère public négligeait de faire l’envoi dont le soin lui est confié, il fallait bien qu’elles eussent le moyen de suppléer à son inaction. Mais, d’une part, il est peu probable que le ministère public, averti officieusement par la partie qui croirait y avoir intérêt, ne s’empressât pas de satisfaire à l’obligation qui lui est imposée. D’autre part, le texte de l’ordonnance ne laisse pas prise à la discussion, et il faut reconnaître que, si elle est exécutée, le préfet sera bien plus promptement mis en demeure par un envoi fait dans les cinq jours qu’il ne le serait jamais par une signification.

110. De ce que l’envoi seul fait courir le délai, il suit que, si le ministère public ne l’a pas effectué dans les cinq jours du jugement (art. 7), on ne sera pas fondé à prétendre que le conflit élevé plus de vingt jours après la, date du jugement, mais dans la quinzaine de l’envoi, doit être annulé comme tardif. Ainsi l’a jugé le Tribunal des conflits par une décision du 3 juillet 1850, qui n’a fait que confirmer la jurisprudence antérieure du Conseil d’État[1], et qui est une nouvelle application des principes sur lesquels repose la jurisprudence du Conseil d’État et de la Cour de cassation, analysée au no 102 ci-dessus.

111. Du reste, amsi que nous l’avons déjà fait observer dans un cas analogue, si le préfet recevait les pièces nécessaires par une autre voie (ce qui peut arriver quand il est en même temps partie dans la cause), il ne serait pas obligé d’attendre l’envoi à faire par le parquet ; il pourrait élever immédiatement le conflit, et il ne ferait en cela que se conformer l’esprit de l’ordonnance de 1828, qui a voulu accélérer autant que possible le jugement des conflits. M. Boulatignier (p. 494) cite une décision du 10 septembre 1845 qui l’aurait ainsi jugé ; cette décision n’indique cependant pas la question, et, si la difficulté a été agitée dans le sein du Conseil, la solution reste inaperçue au dehors ; mais, à notre avis, la difficulté n’en serait pas une.

112. En second lieu, le déclinatoire présenté en première instance peut être admis par le tribunal.

S’il en est ainsi il n’y pas de conflit, la revendication destinée à le prévenir a atteint son but. Mais le jugement de première instance, qui a statué en ce sens, peut être frappé d’appel par la partie qui a ou croit avoir intérêt à contester la compétence administrative. Alors le conflit peut nattre devant les juges d’appel, l’administration reprend son droit et l’exercice en est réglé par le § 2 de l’art. 8 : le préfet peut élever le conflit dans la quinzaine qui suit la signification de l’acte d’appel.

Déjà nous avons expliqué (no 88) que la jurisprudence, depuis 1840, permet, dans ce cas spécial, d’élever le conflit directement sans que le préfet soit obligé, mais sans qu’il soit empêché de présenter préalablement un nouveau déclinatoire.

113. Quant au délai, l’application en est facile dans le cas où le préfet était en même temps partie en cause devant le tribunal de première instance ; car alors l’appel lui est nécessairement signifié.

  1. Voy. notamment 3 février 1835, 19 novembre 1837 et surtout 7 décembre 1844.