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Page:Block - Dictionnaire de l’administration française, tome 1.djvu/574

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CONFLIT, 119-121

oblige le préfet à insérer textuellement dans son arrêté de conflit la disposition législative qui attribue, suivant lui, à l’administration la connaissance du point litigieux. La commission n’a pas voulu, en effet, que le préfet pat se fonder vaguement sur la loi des 16-24 août 1790, sur celle du 21 fructidor an III, ou sur l’arrêté du 13 brumaire an X, pour motiver un arrêté de conflit. Il faudra donc que le préfet rapporte nettement la loi qui aura attribué la matière dont il s agit à l’administration. »

Cependant, ainsi que le fait observer M. Boulatignier (p. 495), « il y a un assez grand nombre de cas dans lesquels la revendication administrative la plus légitime ne s’appuie que sur le principe général de l’indépendance de l’autorité administrative vis-à-vis de l’autorité judiciaire c’est ce qui arrive, notamment, lorsque la revendication se fonde sur ce qu’il s’agit de faire déterminer le sens et les effets d’actes administratifs. (14 oct. 1836, 25 févr. 1841.)

Qu’il nous soit permis de le dire les auteurs de 1 ordonnance de 1828 ont cédé peut-être, dans cette circonstance, à l’influence d’une fausse doctrine, alors fort répandue[1], et qui, même aujourd’hui, se retrouve encore quelquefois dans certains jugements ou arrêts ils ont peut-être considéré la juridiction administrative comme une juridiction constituée aux dépens de celle des tribunaux civils, et investie d’attributions qui, à défaut de lois spéciales et expresses, appartiendraient à ces tribunaux. Ce n’est point ici le lieu de discuter cette erreur, dont la réfutation a été énergiquement commencée par M. Macarel, dès 1828, dans son livre des Tribunaux administratifs. Il suffit de remarquer que si, dans certaines circonstances, la juridiction administrative est en effet appelée, par des lois spéciales, à connaître de questions qui, par leur nature et en l’absence de lois de ce genre, seraient dévolues aux tribunaux par exemple, les questions de ventes nationales, certaines contraventions de grande voirie, etc.), ce n’est assurément pas le cas de la plupart de ses attributions même avant l’institution des conseils de préfecture et du Conseil d’État, les tribunaux civils ne connaissaient pas plus qu’aujourd’hui de la plupart des affaires contentieuses qui rentrent dans la compétence, soit de ces conseils, soit des ministres. L’idée de proscrire absolument tout conflit qui reposerait uniquement sur le principe général de l’indépendance de l’autorité administrative n’a donc guère pu prendre naissance que dans la théorie à laquelle nous venons de faire allusion. Aussi la force des choses et des principes en a-t-elle fait justice. Le Conseil d’Etat a décidé explicitement, dans les deux affaires ci-dessus indiquées, qu’il avait été suffisamment satisfait au vœu de l’art. 9 par l’insertion textuelle de l’art. 13, tit. II, de la loi des 16-24 août 1790 et de la loi du 16 fructidor an III ; il l’a décidé implicitement dans un grand nombre d’autres espèces analogues, c’est-à-dire dans des cas où la revendication administrative, quelque légitime qu’elle fut, ne se rattachait en effet qu’à ces lois générales.

120. Au surplus, même dans les cas où un texte spécial peut être invoqué à l’appui du conflit, il ne faut pas s’exagérer t importance de cette prescription. Supposons qu’un préfet, dans une affaire de travaux publics, omit de transcrire l’art. 4 de la loi du 28 pluviôse an VIII, et citât, par erreur, une autre disposition légale ne serait-il pas puéril d’annuler le conflit par un semblable motif ? Qu’importe que le préfet se trompe à cet égard ? Qu’importe qu’il prenne un texte pour un autre ? Ce n’est pas le préfet qui juge le conflit, et, si la revendication est d’ailleurs fondée, on ne saurait aller jusqu’à interdire au juge des conflits de 1 accueillir, parce que le préfet, placé en présence de plusieurs textes, n’aurait pas su discerner celui qui contenait la véritable base de sa revendication. Qu’on le remarque, en effet, l’ordonnance de 1828 n’impose pas, elle ne pouvait pas imposer au préfet l’obligation de transcrire le texte qui établit effectivement la compétence administrative elle lui prescrit seulement de transcrire le texte sur lequel repose, selon lui, cette compétence, et dès lors, s’il a littéralement satisfait à cette prescription, son conflit est régulier en la forme, quelque erronée que puisse être la citation qu’il a faite l’art. 9 lui trace une règle destinée à assurer la maturité de son examen, il n’en fait pas une condition de la validité extrinsèque du conflit. Ainsi, de deux choses l’une, ou la compétence administrative manque en effet de base légale, et alors le conflit sera annulé, non en la forme, mais an fond ou bien la compétence administrative résulte de dispositions législatives autres que celles que le préfet a invoquées, et alors le conflit sera confirmé en vertu de ces dispositions, abstraction faite de l’erreur qu’aura commise le préfet.

À notre avis donc, la citation inexacte de telle ou telle disposition législative dans un arrêté de conflit ne peut pas entraîner l’annulation de ce conflit. C’est dire que nous approuvons, contrairement à 1 opinion de quelques auteurs, la jurisprudence par laquelle il a été décidé que les arrêtés de conflit qui ne contiennent pas la transcription textuelle, mais seulement l’indication ou le visa des lois invoquées pour établir la compétence administrative, ne doivent pas pour cela être annulés (7 nov. 1834, 3 Jéor. 1835, 8 févr. 1838, 6 déc. 1844, 7 déc. 1844, etc.). Mais il faut reconnaître que le motif énoncé dans ce ; diverses décisions, et qui consiste à dire que la simple indication ou le simple visa des lois invoquées suffit pour satisfaire aux dispositions de l’art. 9 de l’ordonnance de 1828, prête ouvertement à la critique car il est par trop évident que le vœu de l’art. 9 n’est pas littéralement rempli par cette exécution ou plutôt par cette inexécution de sa seconde disposition. Ce qui était vrai, ce qu’il fallait dire, c’est que l’inobservation de cette disposition n’était pas de nature à entraîner l’annulation du conflit.

121. Quant aux autres conditions qui tiennent à la rédaction ou à la forme, l’ordonnance de 1828 s’est abstenue de les déterminer. On peut seulement remarquer qu’elle suppose (art. 9) que l’acte par lequel le préfet élèvera le conflit sera rédigé en forme d’arrêté, tandis qu’elle suppose (art. 6) que le déclinatoire sera rédigé en

  1. Elle est consignée, par exemple, dans la circulaire du ministre de la justice, du 5 juille. 1828.