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Page:Block - Dictionnaire de l’administration française, tome 1.djvu/577

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CONFLIT, 129-133

vement juges de la régularité ou de la tardiveté d’un appel, de même elle s’est exclusivement réservé le droit de statuer sur la recevabilité comme sur le fond du pourvoi. (DaIloz, Vo Cassation, no 961.)

De même, lorsqu’une commune justifie qu’elle s’est pourvue devant le Conseil d’État contre un arrêté du conseil de préfecture lui refusant l’autorisation de plaider, il n’appartient point à l’autorité judiciaire de prononcer sur la régularité de ce pourvoi et de décider, par exemple, qu’il n’a pas été formé dans les délais prescrits par la loi. (L. 18 juill. 1837, art. 50, 53 et 54.) Un arrêt de la Cour de cassation du 30 janvier 1849 (Dalloz, 49, 1, 48) a consacré cette solution, qui n’est qu’une application spéciale de principes généraux.

Il en doit être ainsi en matière de conflits : il y a de tous points les mêmes raisons, et l’on a pu voir, par les détails qui précèdent, que les questions de régularité ou de tardiveté du conflit ne sont pas toujours aussi simples qu’on veut bien le dire dans le système contraire.

129. On a, il est vrai, voulu opposer ici la jurisprudence de la Cour de cassation à celle du Conseil d’État ; on a soutenu qu’un arrêt de cette Cour du 26 mars 1834 (Dalloz, Vo Conflit, no 92) reconnaît à l’autorité judiciaire le droit de ne pas s’arrêter devant un conflit dont elle constaterait l’irrégularité. Mais on s’est mépris sur le sens de cet arrêt, qu’il nous paraît utile de citer textuellement :

« Considérant que l’arrêté par lequel le préfet du Finistère a élevé le conflit d’attributions dont il s’agit, a été, conformément à l’art. 8 de l’ordonnance du 1er juin 1828, rendu dans la quinzaine qui a suivi la signification de l’appel interjeté par les sieurs Legué et Nicol, du jugement qui a admis le déclinatoire que le dépôt de cet arrêté au greffe de la cour royale de Rennes a eu lieu dans le délai prescrit par l’art. 11 de ladite ordonnance, ainsi que cela est justitié par le récépissé que le greffier en chef a, conformément à l’art. 10 de cette ordonnance, délivré de ce dépôt ; que, par conséquent, l’administration a rempli les formalités qui lui étaient prescrites pour la validité du conflit qu’elle élevait et pour empêcher qu’il ne tombât en péremption ; que, quant aux autres formalités mentionnées dans les art. 12, 13 et 14 de la même ordonnance, outre qu’elles ne sont pas ordonnées à peine de nullité ni de déchéance du conflit, elles ne sont pas mises à la charge de l’administration qu’ainsi, dans tous les cas, elle ne saurait être responsable de leur inobservation, etc. »

Quelle était la question ? La cour de Rennes avait refusé de surseoir parce que le conflit élevé par le préfet n’aurait pas été déposé au greffe, mais aurait été seulement déclaré à l’audience par le ministère public, deux mois après l’expiration des délais. Deux réponses pouvaient être faites à cette objection. D’abord on pouvait dire que les réquisitions du ministère public suffisaient pour constater, du moins devant l’autorité judiciaire, l’existence du conflit, et que, ce fait admis, ce n’était point à cette autorité à apprécier, même en la forme, la validité du conflit. Mais il y avait iir.e réponse plus simple, plus péremptoire, et qui ne permettait aucune controverse : c’est que l’arrêt de la cour de Rennes reposait sur une erreur de fait, c’est que le conflit avait été déposé au greffe et que la preuve en était acquise par un certificat émané du greffier. La Cour de cassation a préféré casser par ce second moyen ; mais de là il ne suit nullement qu’elle ait entendu attribuer à l’autorité judiciaire le droit de se constituer juge de la forme et de la régularité des conflits. Tout ce qu’on peut induire de son arrêt, c’est que l’autorité judiciaire peut et doit vérifier le fait de l’existence du conflit il est bien clair, en effet, que si, plus de quinze jours après l’envoi du jugement rendu sur le déclinatoire, aucun conflit n’a été déposé au greffe, les parties peuvent demander et le tribunal peut ordonner la reprise de l’instance sur le fond ; mais il doit vérifier ce fait préalable, et si un arrêté dé conflit a été remis au greffe avant le jugement du fond, le tribunal, quelles que soient la date et la forme de eet arrêté, doit surseoir jusqu’à ce que le juge des conflits ait prononcé.

130. Le greffier doit remettre l’arrêté de conflit au procureur de la République et celui-ci doit communiquer cet arrêté au tribunal, en requérant le sursis. L’ordonnance ne fixe pas plus de délai pour l’accomplissement de ces deux formalités qu’elle n’en a établi pour les autres obligations également imposées aux magistrats de l’ordre judiciaire mais il est évidemment dans sa pensée qu’elles soient remplies immédiatement.

131. La communication doit être faite au tribunal réuni dans la chambre du conseil. « C’est, dit M. Taillandier (p. 171), un motif de convenance et d’égards pour la magistrature qui a porté la commission à adopter cette disposition. En effet, on a fait observer qu’il était dérisoire que ce fût en audience publique, et au moment où les juges sont saisis d’une affaire, que l’on vint ainsi leur en arracher la connaissance. Il a donc paru beaucoup plus convenable d’obliger le ministère public à communiquer l’arrêté de conflit au tribunal réuni dans la chambre du conseil. »

132. Non-seulement le ministère public doit requérir le sursis, mais le tribunal doit dans tous les cas, en exécution de l’art. 27 de la loi du 21 fructidor an III, rendre un jugement conforme à cette réquisition[1]. La sanction de cette obligation se trouve d’abord dans les art. 127 et 128 du Code pénal. Mais la sanction utile et pratique se trouve dans la disposition du § 2 de l’art. 8 de l’ordonnance et dans la jurisprudence qui, généralisant le principe dont cette disposition n’est qu’une application et une conséquence, a validé les conflits régulièrement élevés et en a assuré l’effet, alors même que l’autorité judiciaire, informée ou non de l’existence du conflit par ses propres agents, avait passé outre au jugement du fond (no 102).

133. Si le conflit oblige le tribunal saisi à surseoir indistinctement et absolument à toute procédure, l’autorité administrative ne doit-elle pas, à son tour, s’imposer la même réserve jusqu’à ce que le Conseil d’État ait prononcé ? En thèse gé-

  1. Il est clair que si, par un motif quelconque, le tribunal s’abstenait de rendre un jugement prononçant le sursis, la procédure du conflit n’eu devrait pas moins suivre son cours. (11 août 1859.)