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LIT DE JUSTICE. LITTÉRATURE.


autre à Versailles et défendit au parlement de Paris d’appeler les autres parlements, les classes (c’était faire un corps de tous tes parlements de la nation) ; de leur envoyer des mémoires politiques ; de cesser le service ; de donner leur démission en corps ; de rendre des arrêts contre des enregistrements ; le tout sous peine d’êtré cassés. Il y eut résistance, lettres de jnssion, désobéissance. Des mousquetaires vinrent la nuit arrêter les parlementaires, et leur présenter un papier à signer Oui ou Ko ?<. Quarante signèrent oui. Les oui vinrent an Parlement, demandèrent pardon aux non, signèrent non ; et ils furent tous exilés. (foy. Voltaire, Histoire du Parlement.) On sait comment le Parlement fut dissons, remplacé par nn autre moins populaire, puis rétabli. Le 12 mars Ï77G, Turgot fit tenir à Louis XVI un lit de justice pour l’abolition des corvées, la suppression des jurandes et des mattrises Le 7 août 1787, dans un autre lit de justice, au milieu de la discussion sur i’édit du timbre et de la subvention territoriale, fut tancée la proposition d’assembler les États généraux. La révolution en sortit.

On peut se demander pourquoi les rois s’obstinaient à faire enregistrer les édits. C’est que l’enregistrement était une publication nécessaire dans un pays où les communications étaient ditnciles ; qu’il y avait dans cet enre~ gistrement une sorte d’autorité morale ; qu’on était alors très-formaliste, et que tous les corps de 1 État, à part tes mon’ents de colère, se respectaient avec superstition et se baissaient avec fanatisme ; et qu’en générât, ceux qui gouvernent aiment mieux forcer l’assentiment que de s’en passer.

LITTÉRATURE. n est extrêmement aisé de comprendre que la littérature a dû avoir une action puissante sur la marche des événements historiques, mais il est en revanche fort difficile d’expliquer en quelques pages quelles ont été la nature et la mesure de cette action. Une telle question, présentée sous la forme la plus générale, renferme en elle-même sa réponse. Chacun y répondra affirmativement par la seule force de cet instinct naturel qui va de lui-même comme d’un seul bond vers les vérités évidentes, et qui n’est impuissant que devant les vérités douteuses ou les subtilités de l’esprit de système. Il n’est pas besoin de raisonner pour comprendre à première vue que les œuvres du génie humain ont dû exercer une influence sur les actes du génie humain. Comment expliquer cependant et retracer sommairement l’histoire de cette influence ? Ce n’est pas un article, c’est un traité complet que réclamerait nn pareil sujet~car les formes der cette influence ont varié à ItnBni selon les peuples, les civilisations et les siècles. En outre, ce mot littérature est un mot synthétique, générique, qui représente, non un seul produit de l’intelligence humaine, mais une foule de produits très-divers et très-opposés. L’umuoice JACQUES DE BOISJOSUN.

qui appartient à un genre littéraire, n’est pas du tout la même que celle qui appartient à un autre, et pour nous borner à la division la plus large qui puisse être donnée des oeuvres littéraires, il est clair que l’action de la prose est aussi diamétralement le contraire de celle de la poésie, que la conservation est le contraire de la rê~n)ution, et que le passé est le contraire du présent. Il y a des peuples chez lesquels cette action de la littérature apparait dés le commencement de leur histoire et va toujours en grandissant ; i ! y en a d’autres encore chez lesquels elle n’apparaît que très-tard et lorsque la plus grande partie de leur histoire s’est écoulée déjà ; il y en a d’antres encore chez lesquels elle ne fait que passer à la manière d’une trombe et d’un orage. Enfin. dernière difficulté, les hommes illustres en qui se personnifie cette action de la littérature, ne sont autres que ces coureurs, dont parle Lucrèce, qui se passent de main en main le tlambeau de la vie en conséquence lorsque, pour simpiiner la question, on veut s’arrêter à un point donné du temps, on s’aperçoit bien vite que chacun de ces hommes illustres a des ancêtres, et que l’inuuence de la littérature dans tel ou tel siècle ne peut s’expliquer sans le secours des siècles précédents. On se trouve ainsi en face d’une série de rapports de succession, qui, d’effets en effets, vous ramène jusqu’à une cause première de date et de nom inconnus et qui est tout simplement le premier homme qui a pensé. Force nous est donc de nous borner à quelques généralités importantes. Cette influence de la littérature a toujours existé, mais ce n’est qu’à une époque encore trés-rapprochée de nous qu’elle est devenue toute-puissante. La littérature n’a commencé à être réellement un agent distinct des autres grands agents moraux de l’humanité qu’à partir de la découverte de l’imprimerie, et le seizième siècle, dont la date est si près de nous, est l’âge héroïque de l’histoire de cet agent nouveau. Jusque-là, sauf quelques exceptions éclatantes, la littérature avait toujours conservé le cachet de son origine. Dans les antiques civilisations sacerdotales et guerrières, la littérature avait été tout, on peut le dire ; mais en étant tout, elle n’était rien. Elle était l’hymne que les prêtres apprenaient à la foule, le chant de guerre ou de triomphe qui célébrait la gloire des combats, le cantique prophétique qui donnait à l’homme le secret de ses destinées et des destinées de sa race ; mais l’enthousiasme, la ferveur et le courage qu’elle

inspirait ne lui appartenaient pas. Ce n’était pas elle- qui parlait, c’étaient la religion, l’esprit de caste, l’ardeur guerrière, tous les grands agents moraux, en un mot, qui ont servi de guides à l’humanité et avec lesquels elle se confondait. Elle était la voix, le verbe de puissances divines, mais ce verbe était intimement uni à ces puissances, et ne s’était pas incarné dans une personnalité distincte, en sorte qu’on peut dire de la littérature, comme du mystère du Verbe chrétien, qu’elle était dès le corn*