Page:Block - Dictionnaire général de la politique, tome 2.djvu/250

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

MAHOMÉTISME.

M6

prophète à Médine et ceux de Médine qui l’avaient secouru, la foi était à peu prés absolue ; mais si nous sortons de ce petit groupe, qui ne dépassait pas quelques milliers d’hommes, nous ne trouvons autour de Mahomet, dans tont le reste de l’Arabie, que l’incrédulité la moins déguisée. La foi musulmane avait trouvé, chez tes familles riches et fières de la Mecque, un centre de résistance dont elle ne put triompher entièrement. Les autres tribus de l’Arabie n’embrassèrent rislamisme que par force, sans s’inqniéter des dogmes qu’il fallait croire, et sans y attacher d’importance. Certaines parties de l’Arabie ne sont devenues complètement musulmanes qu’an commencement de ce siècle,

par le mouvement wahhabite.

Le parti des musulmans sincères avait sa force dans Omar ; mais, après l’assassinat de ce dernier, le parti des opposants triompha par Félection d’Othman, neveu d’Abon Sofyan, c’està-dire dn plus dangereux ennemi de Mahomet. Tout le khalifat d’Othman futnneréactiou contre les amis du prophète, qui se virent écartés des affaires et violemment persécutés. Dès lors, ils ne reprirent jamais le dessus. Les provinces ne pouvaient souffrir que la petite aristocratie des Mohadjir et des Ansar, groupée à !a Mecqne et à Médine, s’arrogeât àelle seule le droit d’étiré le khalife. Ali, le vrai représentant de la tradition primitive de l’islamisme, fut, durant sa vie entière, un homme impossible, et son élection ne fut jamais r-~p r sérieux dans les provinces. La Perse rattacha à lui, et, paresprit d’oppositu.jii’re l’espritsémitique, rendit au m~iL- puleit des hommes un culte tout emprei ; de paganisme.

.nomment des Oméyyades mit ces ten~~tCes dans tout leur jonr. De tontes parts on tendait la main à cette famille, devenue syrienne d’habitudes et d’intérêts. Or, l’orthodoxie des Omèyyades était fort suspecte. Us buvaient dn vin, pratiquaient des rites dn paganisme, ne tenaient aucun compte de la tradition, ni du caractère sacré des amis de Mahomet. Ainsi s’explique l’étonnant spectacle que présente le premier siècle de l’Uégire, tout occupé à exterminer les vrais pères de l’islamisme. Par toutes les voies nous arrivons donc à ce résultat singulier, que le mouvement musulman s’est produit presque sans foi religieuse. De là, cette indécision où Bottent, jusqu’au douzième siècle, tous les dogmes de la foi musulmane ; de là, cette philosophie hardie proclamant sans détour les droits souverains de la raison ; de là ces sectes nombreuses confinant parfois à Finndélité la plus avouée, Karmathes, Fatimites, Ismaéliens, Druzes, Haschischins, sectes secrètes à double entente, alliant le fanatisme à Fin crédulité, la licence à l’enthousiasme religieux, la hardiesse du libre penseur à la superstition de rmitié. Ce n’est réellement qu’au- douzième siècle que l’islamisme a triomphé des éléments indisciplinés qui s’agitaient dans son sein, et cela par l’avènement de la théologie ascharite, plus sévère dans ses allures, et par rextennination violente de la philosophie.

Cette philosophie offre Fexemple d’une très-haute culture supprimée presque instantanément, et à peu près oubliée du peuple qui Fa créée. Les khalifes de Bagdad, au huitième et an neuvième siècle, avaient eu la gloire d’ouvrir cette brillante série d’études qui, par l’in. fluence qu’elle a exercée sur l’Europe chrétienne, tient nne si large place dans l’histoire de la civilisation. Le khalife Hakem, en Espagne, an dixième siècle, renouvela ce beau spectacle. Le goût de la science et des belles choses établit, dans ce coin privilégié du monde, une tolérance dont les temps modernes peuvent à peine nons offrir nn exempte. Chrétiens, juifs, musulmans, parlaient la même langue, chantaient les mêmes poésies, participaient aux mêmes études. Toutes les barrières qui séparent les hommes étaient tombées ; tous travaillaient d’un même accord à la civilisation commune. Les mosquées de Cordouc, où les étudiants se comptaient par milliers, devinrent des centres actifs d’études philosophiques et scientifiques. Les écoles de Kaïroan,de Damas, de Bagdad, de Bassorah, de Samarcande, initiaient, de leur côté, les musulmans à ce libéralisme de moeurs et de pensées que les peuples privés de liberté politique demandent souvent à une haute culture intellectuelle. Aucune grande idée dogmatique n’avait présidé à la création de la philosophie arabe. Les Arabes ne firent qu’adopter l’ensemble de l’encyclopédie grecque, telle que le monde entier l’avait acceptée vers le septième et le huitième siècle. La science grecque jonait à cette époque chez les Syriens, les Nabatéens, les Harraniens, les Perses Sassanides, un rôle fort analogue à celui que la science européenne joue en Orient depuis un demi-siècle. Néanmoins, en se développant sur un fonds traditionnel, la philosophie arabe arriva, surtout au onzième et au douzième siècle, à nne vraie originalité, et le développement intellectuel représenté par les savants arabes fat, jusqu’à la fin du douzième siècle, supérieur à celui du monde chrétien. Mais il ne put réussir à passer dans les institutions ; la théologie lui opposa à cet égard une infranchissable barrière. Le philosophe musulman resta toujours un amateur on un fonctionnaire de conr. Le jour où le fanatisme fit peur aux souverains, la philosophie disparut, les manuscrits en furent brûlés par ordonnance royale, et les chrétiens seuls se souvinrent que l’islamisme avait en des savants et des penseurs.

L’islamismedévoila en cette circonstance ce qu’il y a d’irrémédiablement étroit dans son génie. Incapable de se transformer et d’admettre aucun élément de la vie civile et profane, il arracha de son sein tout germe de culture rationnelle. Cette tendance fatale fat combattue tant que l’islamisme resta entre les mains des Arabes, race si nne et si spirituelle, on des Persans, race très-portée à la spéculation ; mais elle régna sans contre-poids depuis que des barbares (Turcs, Berbers, etc.) prirent la direction de l’islam. Le monde musulman entra dès lors dans cette période d’ignorante brutalité, d’où il n’est sorti que ponrtNubM